Un milliardaire
cinq étoiles – Tash Aw
(Five
Star Billionnaire, 2013)
Robert Laffont, 2015,
440 pages
Traduction de
Johan-Frédérik Hel Guedj
Dans le Shanghaï d’aujourd’hui (d'il y a dix ans finalement), nous suivons la trajectoire de cinq
personnages. Tant histoire de destins que roman d’une ville et d’une époque, Un
milliardaire cinq étoiles (qui a choisi ce titre pourri ?) nous montre
les dessous d’un monde en mutation.
Au XIXème, la grande ville était Paris ; au XXème,
New York – Shanghaï prend le relai de nos jours. L’histoire en elle-même ne
présente pas un intérêt exceptionnel – mais la plupart des personnages sont
attachants et leurs destins m’ont importé – elle aurait pu se dérouler dans n’importe
quelle mégalopole en fonction de l’époque. C’est justement cet aspect qui rend
le roman familier : la grande ville qui happe et malmène ceux qui ont un
peu d’ambition (avoir la vie plus facile, être (re)connu, s’enrichir, etc.),
qui donne des marques.
Cependant, le cadre géographique ne peut être ignoré et c’est en lui que
réside le point fort du roman. Tash Aw est un véritable citoyen du monde. Né en
Malaisie d’une famille ayant émigré de Chine, il a étudié en Angleterre où il s’est
installé. Cependant, il voyage régulièrement en Asie où il vivrait une partie
de l’année. Sa capacité à aller de l’Orient vers l’Occident rend ses propos à
la fois pertinents et accessibles ; il est un guide pour les Occidentaux
dans l’Asie moderne, loin des images poussiéreuses datant du colonialisme. J’ai
lu quelque part qu’il s’était mis à écrire car il ne se retrouvait pas dans la
vision de l’Asie du Sud-Est véhiculée par la littérature occidentale, un motif récurrent
chez les écrivains qui n’entrent pas dans le moule du « mâle Blanc hétéro »
(pas la peine de cocher toutes les cases).
Shanghaï et l’Asie sont au cœur des enjeux du roman qui explore différents
parcours de vie, sans complaisance pour ses personnages. Cela est l’occasion
pour l’auteur de présenter les liens entre la Chine et les territoires proches,
les différentes strates de la société. Vu d’Europe, c’est très dépaysant et excitant,
en particulier parce que Tash Aw parle du monde contemporain et non d’un univers
qui n’existe plus, comme le fait de préférence son homologue Tan Twan Eng (que
j’aime beaucoup toutefois). On a le sentiment que l’on pourrait rencontrer les
personnages d’un coup d’avion et découvrir cette Asie dont la plupart des
Occidentaux ignorent tout.
Je n'ai finalement que deux regrets : que l'écriture de Tash Aw soit sans intérêt particulier et que je manque des références culturelles me permettant d'appréhender pleinement les nuances et choix de l'auteur (j'en ai récupéré quelques-unes en lisant des interviews, ce qui me laisse à penser qu'il m'en manque encore).
Après son récit Etrangers sur la grève, cette lecture confirme l’intérêt
de l’œuvre de l’auteur que je vais continuer à suivre ne serait-ce que pour m'éduquer.