Sous-titre : Portrait de famille
Le texte est organisé en deux parties : la première est assez générale, quand la seconde est centrée sur une des grand-mères de l’auteur. C’est bien écrit, à la fois émouvant et instructif ; surtout, Tash Aw peut comparer Extrême-Orient et Occident parce qu’il connaît les deux mondes et juxtaposer de façon pertinente des cultures et autres aspects.
Si le propos sur les racines est rarement innovant, il sait mettre en
avant quelques faits avec finesse, comme la « honte d’avoir été
colonisés… d’avoir dû rendre des comptes à quelqu’un de plus fort et de plus
riche. » Plus qu’une histoire personnelle, il trace les grandes lignes
de l’histoire d’une région du monde approchée en bloc par l’Occident, sans
nuance, sans véritable connaissance et surtout à partir de clichés.
« Le malaise que [ma sœur et moi] ressentions provenait
des privilèges dont nous jouissions – l’éducation et les opportunités qui nous
poussaient à nous éloigner du reste de notre famille – mais plus précisément,
il était question d’argent, de classe et de culpabilité. »
Tash Aw parle des mélanges de langues, d’ethnies, mais aussi de la
séparation des classes sociales, universelle, ainsi que de celle créé par les
études qu’il a suivies et qui le propulsent dans un univers bien différent de
celui des siens. Cette réussite le fait se sentir coupable mais aussi étranger
dans sa propre famille, en exil.
« …, j’ai envie de faire partie [du] passé [de mon père], de faire partie de sa formation, mais je ne peux pas. L’éducation que j’ai reçue m’empêche de retourner là-bas. »
Entre son visage un peu passe-partout qui peut empêcher de le situer précisément sur un plan ethnique au sein de l’Asie et ce schisme culturel et éducationnel d’avec les siens, la question de son identité le hante. Quand il essaiera d’en savoir plus sur les vies de ses ancêtres, il se heurtera à la fois à l’absence de chronique (de la vie des femmes notamment) et la pudeur asiatique qui veut que l’on ne se vautre pas dans l’autosatisfaction envers sa lignée ou que l’on vit comme si les drames n'avaient pas eu lieu, avec équanimité.
« Les gens de ma génération, en Asie, ont toujours su que
nous devrions vivre dans le profond silence qui entoure la tienne [il parle
à sa grand-mère décédée], et même celle de mes parents… »
Je pourrais évoquer ce récit pendant des pages et des pages (j’ai surligné tellement de passages qui mériteraient un paragraphe chacun, au moins). En résumé, le propos est fin, intelligent, pertinent ; le texte se dévore et donne envie de mieux connaître son auteur qui m’a touchée au cœur et qui vient s’ajouter à son compatriote Tan Twan Eng sur mes listes.