Au bord
de la nuit – Friedo
Lampe
(Am Rand der Nacht,
1933)
Belfond, collection Vintage, 2021, 176 pages
Traduction d’Eugène Badoux
Ce court
roman est passé pour innovant en Allemagne à l’époque de sa publication (en
plus d’avoir été interdit par le régime nazi mais ce n’est pas le propos de mon
billet). Lampe y décrit en scènes successives la vie du quartier portuaire de
Brême entre le crépuscule et la nuit.
Le
traducteur est également l’auteur d’une préface présentant l’auteur et d’une
postface sur le livre. Ces deux textes sont fort intéressants, même si le
premier m’a donné envie de fuir (la personnalité de Lampe et son parcours ne m’ont
pas du tout plu) et le second fortement étonnée. En effet, Badoux y explique
notamment qu’Au bord de la nuit est un roman innovant pour l’époque. Outre
que cela ne saute pas aux yeux de la lectrice du XIXème siècle, j’ai
aussitôt pensé à Joyce et Woolf (et bien d’autres) qui, dix ans plus tôt, se
sont avérés bien plus innovants que ce malheureux Lampe. Cependant, il semble
qu’en Allemagne, la tendance romanesque soit restée traditionnelle pendant
encore un temps – et il est vrai que les écrivains germanophones contemporains
de Lampe que j’ai lus proposent des romans superbes mais classiques (à l’exception du Loup des steppes, paru en 1927).
En
revanche, l’Allemagne était plus moderne en matière picturale ce qui s’exprima,
dès la Première guerre mondiale, par l’expressionnisme. Or il semble que parmi
les influences de Lampe, on puisse citer Trakl. Et c’est probablement le seul
angle du texte qui m’ait finalement accrochée, l’approche brute et sans
fioritures dans la description des scènes et personnages. Lampe n’écrit pas
pour « faire joli », ses personnages ne sont pas lisses et mignons et
la vie qu’il décrit n’est pas une succession de moments réjouissants. Cela est
d’autant plus marquant que le décor (la nuit tombante, le parc, la douceur de l’air)
pourrait donner un sentiment de sécurité et de réconfort – or dans le parc les
cygnes côtoient les rats, dans un immeuble la musique de la flûte se superpose
à une agonie, etc.
Si je
peux apprécier ces éléments, le texte ne m’a pas plu pour autant. Je n’ai pas
été sensible au style, ni à l’esprit général et je le regrette d’autant plus
que j’étais persuadée que cela me plairait que ce soit pour l’ambiance ou le
côte contemplatif.