Des vies
volées – Susan
Allott
(The Silence, 2020)
Belfond, 2021, 336 pages
Traduction d’Alexandre Prouvèze
Londres,
1997. Isla reçoit un appel de son père qui l’informe que Mandy, leur ancienne
voisine, aurait disparu depuis trente ans et qu’il est le principal suspect.
Abasourdie, la trentenaire se sent obligée de retourner en Australie. Si ses
raisons semblent embrouillées, ce retour vers une famille déchirée et une enfance
marquée par ce couple de voisins sera l’occasion pour Isla de tourner une page,
non sans avoir soulevé de la poussière vieille de trente ans.
Si la
présentation officielle du livre met en avant un des pans peu glorieux de l’histoire
australienne, cet aspect est très marginal dans l’intrigue et il ne faut pas
avoir d’attentes en la matière.
Pour
autant, ce roman noir est plaisant et bien construit : il est très prenant
et offre une galerie de personnages intéressants. Le suspense est bien ménagé quant
au destin de Mandy (mais il est facile de deviner qui est responsable de quoi)
et l’alternance entre les événements de 67 et ceux de 97 créé des attentes et
fait monter la pression.
La
grande réussite de ce roman à mon sens provient des personnages. Ils sont complexes,
ont des relations ambiguës voire houleuses et sont rarement sympathiques. Isla
a grandi entre une mère qui ne peut se résoudre à vivre dans son pays d’adoption
et dont le caractère est pour le moins ambivalent, et un père à la fois bien
intégré et rongé par l’alcool, connu pour son charme mais travaillé par ses démons ;
son frère, bien plus jeune qu’elle, a choisi un camp et une vie bien
différentes. Quant au couple de voisin, Steve et Mandy, c’est un peu la bête
(le flic qui fait peur aux enfants et qui n’assume pas sa vie) et la belle (la
femme au foyer sans enfant, douce avec Isla, ferme avec son mari, attirante
aussi). Enfin, la vie du quartier, sans grand intérêt pour l’enfant, prend tout
son relief une fois que s’y pose le regard de l’adulte.
C’est
un roman riche, qui se révèle couche après couche, qui signe le deuil de l’enfance,
des fidélités absurdes et des démons qui empêchent de s’épanouir.