L’ombre d’un arbre sans fleurs – Richard Flanagan
(The Sound of One Hand Clapping, 1997)
Babel, 2019, 432 pages
Traduction de Delphine et Jean-Louis Chevalier
Préalablement traduit sous le titre Dispersés par le vent
Sonja avait trois ans quand sa mère a disparu dans la nuit et la neige.
Adulte et enceinte, elle revient en Tasmanie pour recoller les morceaux de son
enfance malheureuse auprès d’un père presque constamment soûl et déçu de la
vie.
Toute l’intrigue repose sur les personnages et en particulier sur le
duo formé par Sonja et son père avec, toujours en creux, l’absente. Or j’ai intégralement
détesté le père et pas compris la fille.
Certes, le père est malheureux : il a quitté l’Europe centrale
plein d’espoir envers l’avenir qui l’attendait sur cette terre et, finalement, sa
femme l’a quitté, il a travaillé comme un abruti toute sa vie sans que cela lui
permette pour autant d’améliorer son existence ; il n’en reste pas moins
une brute, même si j’entends qu’il n’est pas « équipé » pour être
capable de prendre de la hauteur.
Certes, la fille s’interroge sur son passé alors qu’elle pourrait
devenir mère et qu’elle n’a pas eu de modèle, que ses racines sont largement
incomplètes, floues. Pour autant, je n’ai pas compris ce qu’elle espérait d’un
tel géniteur, ni sa fidélité à son égard. Je peux comprendre l’attachement par
l’habitude (ils ont vécu ensemble, même si c’était pour le pire), même si je n’y
adhère pas personnellement.
Aussi le livre m’a-t-il paru excessivement long, ne faisant que démontrer
encore et encore la médiocrité de ces liens. Si Flanagan est doué pour faire
toucher du doigt la douleur des personnages et en particulier celle de Sonja
qui a grandi sans mère et auprès d’un père négligent, sur la distance toute
cette souffrance est pesante. On a beau chercher un peu d’espoir, la ressource
est rare. Il manquait de l’air, un souffle pour que l’histoire m’embarque (et
faut-il préciser que la maternité de Sonja ne risquait pas de susciter un quelconque
enthousiasme de ma part ?)
« Si cette histoire pouvait être racontée convenablement, tout
s’y trouverait, un océan de faits passés, les rêves d’avenir, et l’on pourrait
nager dans la maigre eau de tels souvenirs et surfer sur les vagues de tels
rêves quand elles se dressent avant de se briser et de s’anéantir. »
Pour autant, le talent de l’auteur transparaît entre les lignes, sa
capacité à recréer incidemment un contexte (historique, social, géographique) ;
j’aurais d’ailleurs aimé que ce dernier soit plus présent. Par ailleurs, le
style de Flanagan est égal à lui-même et l’envergure de l’auteur est évidente.
Ce sont les raisons qui me conduisent à vouloir poursuivre l’exploration de son
œuvre, en particulier avec La route étroite vers le nord lointain, un roman que
je n’avais pourtant jamais eu l’intention de lire. Il n’en reste pas moins que ce
livre-ci ne me laissera pas un bon souvenir.
De l'auteur, je recommande particulièrement Le livre de Gould.