Voyageur malgré lui – Minh Tran Huy

 

Voyageur malgré lui – Minh Tran Huy

Voyageur malgré lui – Minh Tran Huy
Babel, 2023, 224 pages

En découvrant l’histoire d’Albert Dadas, un homme atteint de « tourisme pathologique », Line se remémore les « voyageurs malgré eux » de sa famille, une façon pudique d’évoquer l’exil, plus ou moins choisi, à la fois géographique, culturel et familial.

Si les cas hors de la famille de la narratrice ne m’ont pas semblé très utiles au récit (ils ont certes leur propre intérêt mais parasitent ici le propos), tout le reste m’a profondément touchée. Outre une construction agile qui dévoile des aspects au compte-gouttes, le ton et les relations entre personnages ont cette pudeur caractéristique des exilés de culture asiatique. Les destins individuels sont poignants, de même que l’amour filial des uns et des autres, cette volonté de protéger et de vouloir le meilleur pour les siens, quitte à se tromper peut-être. Par exemple, faut-il enterrer un passé douloureux et priver ses enfants de racines ? Faut-il revenir au pays natal ? Prendre parti, même si cela veut dire se couper de sa famille ? Comment être de bons parents ? Entre identité et transmission, d’une génération à l’autre, d’un individu à l’autre, les perceptions sont diverses.

« Le silence n’est pas l’effacement mais l’écrin du souvenir. »

Le récit met en exergue combien un premier exil en amène d’autres – celui persistant dans le pays « d’accueil » où même la personne la plus « intégrée » possible ne sera jamais tout à fait chez elle et toujours à la merci de gouvernements qui veulent « faire le ménage », trier les gens ; celui aussi relatif à son pays natal dans lequel on ne sera plus jamais « chez soi », toujours un peu en décalage.

Rester en mouvement, avancer un jour après l’autre, se raccrocher à un quotidien rassurant, oublier ou du moins essayer. Au fond, ces histoires sont très banales et pourtant si touchantes.

« Je sentais le soleil sur ma nuque, le parfum des kakis et l’odeur sucrée de la noix de coco et du sirop de canne sur les copeaux de glace… »

Un texte subtil et émouvant.

A voir, le documentaire Je ne suis pas un chinetoque - Histoire du racisme anti-asiatique.