En découvrant l’histoire d’Albert
Dadas, un homme atteint de « tourisme pathologique », Line se
remémore les « voyageurs malgré eux » de sa famille, une façon
pudique d’évoquer l’exil, plus ou moins choisi, à la fois géographique, culturel
et familial.
Si les cas hors de la famille de
la narratrice ne m’ont pas semblé très utiles au récit (ils ont certes leur
propre intérêt mais parasitent ici le propos), tout le reste m’a profondément
touchée. Outre une construction agile qui dévoile des aspects au
compte-gouttes, le ton et les relations entre personnages ont cette pudeur
caractéristique des exilés de culture asiatique. Les destins individuels sont
poignants, de même que l’amour filial des uns et des autres, cette volonté de
protéger et de vouloir le meilleur pour les siens, quitte à se tromper
peut-être. Par exemple, faut-il enterrer un passé douloureux et priver ses
enfants de racines ? Faut-il revenir au pays natal ? Prendre parti,
même si cela veut dire se couper de sa famille ? Comment être de bons
parents ? Entre identité et transmission, d’une génération à l’autre, d’un
individu à l’autre, les perceptions sont diverses.
« Le silence
n’est pas l’effacement mais l’écrin du souvenir. »
Le récit met en exergue combien
un premier exil en amène d’autres – celui persistant dans le pays
« d’accueil » où même la personne la plus « intégrée »
possible ne sera jamais tout à fait chez elle et toujours à la merci de
gouvernements qui veulent « faire le ménage », trier les gens ;
celui aussi relatif à son pays natal dans lequel on ne sera plus jamais
« chez soi », toujours un peu en décalage.
Rester en mouvement, avancer un
jour après l’autre, se raccrocher à un quotidien rassurant, oublier ou du moins
essayer. Au fond, ces histoires sont très banales et pourtant si touchantes.
« Je sentais
le soleil sur ma nuque, le parfum des kakis et l’odeur sucrée de la noix de
coco et du sirop de canne sur les copeaux de glace… »
Un texte subtil et émouvant.
A voir, le documentaire Je ne suis pas un chinetoque - Histoire du racisme anti-asiatique.