Le mariage – Dorothy West

Le mariage – Dorothy West
Le mariage – Dorothy West
(The Wedding, 1995)
Belfond, collection Vintage, 2024, 288 pages
Traduction d’Arlette Stroumza

 

A l’occasion du mariage de Shelby, la petite dernière de la famille Coles, les tensions se manifestent au sein de la famille et les souvenirs affluent. C’est que Shelby épouse un Blanc, qui plus est musicien, quand la famille appartient à l’élite noire des années 50 et a toujours cherché à compenser le manque de respect inhérent à sa couleur de peau par la réussite sociale et le titre de docteur.

L’autrice revient alors sur l’histoire de la famille depuis la fin de l’esclavage, sur les métissages qui ont conduit à ce que leur peau ne soit pas franchement foncée, voire que certains, telle Shelby, puissent se faire passer pour des Blancs.

Sur le fond, le roman contient beaucoup de pistes prometteuses mais leur traitement reste malheureusement superficiel. Parmi les thèmes abordés, tous sont relatifs à l’intégration dans une société qui valorise la blancheur : le passing (les privilèges qu’il confère et les inconvénients à franchir la ligne), le fait d’être Noir et riche (et toujours pas intégré), l’évolution au fil des générations du regard porté par la communauté noire sur elle-même et sur les Blancs, l'identité (un point clef), les liens familiaux et la transmission entre autres points.

« … ils ne cherchaient pas ce genre d’enfant. Ils cherchaient une petite fille de couleur, c’est-à-dire, dans leur esprit, une gamine à la peau foncée, aux cheveux noirs et aux traits négroïdes. »

J’ai donc été frustrée que West ne fasse que faire émerger les différentes réflexions qui sont pourtant riches et qui auraient pu donner une ampleur et une subtilité à une histoire finalement assez banale.

Par ailleurs, si j’ai accroché avec pas mal de personnages du passé, je n’ai apprécié aucun de ceux du temps « présent » et cela a contribué à me laisser un peu en dehors de l’intrigue ; cela dit, l’autrice a réussi à faire passer les nuances de positions en lien avec l’histoire de chacun, des filles moins sensibles aux différences entre communautés, à la mère au rapport ambivalent avec les nuances de noir, à l’arrière-grand-mère blanche qui l’a élevée, au père qui ne se remet pas de sa lâcheté, toutes et tous sont déchirés d’une façon ou d’une autre et ce malaise est très bien rendu. Est-ce pour l’atténuer que le livre déborde de sentimentalisme ? En tout état de cause, c’était vraiment trop à mon goût et la fin m’a achevée.

Cela étant dit, je suis certaine que d’autres lecteurs seront surtout marqués par l’aspect « rêche » car l’autrice ne ménage pas ses personnages (et heureusement car cela apporte un contrepoint nécessaire aux passages sur l’Amour) ; enfin, si vous n’êtes pas familier des sujets abordés, ce roman sera une bonne introduction.