Raynor et Moth sont de jeunes quinquagénaires qui perdent
tout, du jour au lendemain ou presque : suite à un mauvais investissement,
ils perdent tous leurs biens et leurs revenus ; en parallèle, Moth se voit
diagnostiquer une maladie dégénérative incurable (ceci n’est pas une
fiction !)
Plutôt que de quémander un logement social et d’espérer qu’un
miracle se profile, ils décident de partir sur les routes, plus
particulièrement de suivre le Sentier de Grande Randonnée de la Côte Sud‑Ouest
(alors que la maladie de Moth se traduit par des difficultés motrices). Ils
s’équipent un peu à la louche avec les moyens du bord et, guide en main, se
lancent sans autres attentes que mettre un pied devant l’autre et voir ce que
ça donne.
J’avoue avoir peiné pendant un bon tiers, n’accrochant ni au
couple, ni à la narration. Si la présentation éditeur m’avait séduite à bien
des égards, je ne m’y retrouvais pas, sauf rares moments – les propos sur les
SDF ou encore sur ce qu’est être parents quand on ne peut plus aider ses
enfants. Et puis, une fois échauffée, j’ai été de plus en plus en phase avec
les randonneurs, leurs joies et déceptions, leur mentalité, leur recherche de
la solitude auprès des éléments, le léger humour aussi. Ce qui est probablement
le plus appréciable, c’est que Raynor Winn mêle avec talent les différents
aspects de l’aventure sans jamais trop s’alourdir sur l’un ou l’autre ;
elle est ouverte d’esprit, équilibrée et courageuse. Elle ne cache pas les
aspects peu glamour mais ne s’y appesantit pas non plus, concluant qu’hormis la
maladie de Moth et leur statut de SDF, ils n’ont pas de problème.
« Je ne luttais plus, je n’essayais plus de changer
ce qui ne pouvait pas l’être, je ne serrais plus les poings avec angoisse pour
agripper une vie que nous avions laissée filer… je savais désormais me réjouir
de faire partie de la spirale des éléments … Je faisais partie d’un tout. Je
n’avais nul besoin de posséder un carré de terre pour l’éprouver… j’étais le vent,
la pluie, la mer. Tout cela, c’était moi, et je n‘étais pourtant rien dans cet
univers. »
En définitive, c’est un très beau récit que nous livre Raynor
Winn, sans leçons de vie, comme on partage une aventure et la façon dont elle
nous a fait grandir. J’espère lire un jour la « suite », Landlines,
qui raconte une autre expédition du couple. Une belle rencontre !