Dans la
version de l’histoire imaginée par Anna North, la grippe espagnole a raflé 90 %
de la population des Etats-Unis et le survivants ont désormais pour devoir de
repeupler le pays. Si l’infertilité y est donc très mal vue, elle est aussi
considérée comme étant uniquement attribuable aux femmes. C’est dans ce
contexte qu’Ada va fuir tout ce qui fait sa vie pour sauver sa peau et sa
famille ; après un passage par un couvent, elle finira par rejoindre une
bande de hors-la-loi.
Porté par
une histoire plutôt prenante et mettant en scène des personnages intéressants,
ce texte se démarque par les thèmes abordés et l’angle choisi. Plus que la
narration d’Ada, c’est l’héroïne elle-même qui transmet l’histoire par son état
d’esprit, l’évolution de sa personnalité et ses ambitions.
« Je
voulais comprendre comment un enfant était conçu dans le corps d’une femme, et
ce qui, à l’intérieur ou à l’extérieur, entravait cette conception. Je pourrais
alors connaître cette quiétude que l’on ressent seulement lorsqu’on a satisfait
son besoin de savoir. Et je pourrais enseigner à d’autres personnes ce que je
savais. »
Au-delà du
rôle procréateur attribué à la femme et survalorisé par la société, Ada
s’intéresse à l’aspect médical de la question : une fois évacuées les
superstitions, pourquoi certaines femmes ont des enfants et d’autres pas ?
Le livre repose entièrement sur cette dualité : les croyances vs la
science dont il découle que pour certains une femme est une mère ou elle est une
sorcière, quand d’autres, « hors-la-loi », démontrent que les cases
prédéfinies des genres et des rôles sont illusoires et sans intérêt. L’autrice
l’illustre non seulement à travers son héroïne mais aussi grâce à une galerie
de personnages attachants, marginalisés de force et à la recherche d’un apaisement.
J’ai
beaucoup aimé bien des aspects de ce livre, en particulier l’exploration des
divers rôles qu’une femme peut endosser, qui met en exergue la peur des hommes
envers les femmes sans enfant, la menace qu’elles représentent à leur autorité
qui nécessite d’en faire des boucs émissaires. Plus largement, l’autrice rebat
les cartes des rôles qui sont attribués à chacun par la société et la brutalité
qui en découle pour qui ne veut pas entrer dans les cases.
Ce roman
est une belle découverte ; ses personnages m’habiteront longtemps. Il m'a donné envie de lire le précédent roman de l'autrice qui était passé complètement à côté de mon radar.