Evidemment Martha – Meg Mason
(Sorrow and Bliss, 2020)
Le cherche-midi, 2022, 416 pages
Traduction d’Anne Le Bot
Martha est une quadra
qui vient d’être quittée par son mari, suite à sa soirée d’anniversaire qui ne
s’est pas très bien passée. C’est que Martha a une « personnalité pas
facile ». A la fin de l’adolescence, elle a pété un plomb, quasiment au sens
propre. Depuis, sa vie est à la dérive : elle n’a pas de véritable
travail, plus de mari, une famille toujours aussi bancale et ne sait vraiment
pas que faire d’elle. Malgré toutes les consultations, thérapies sans fin et
traitements hasardeux, elle ne sait toujours pas ce qui ne va pas. Surtout,
Martha ne se connaît pas ; l’image qu’elle a d’elle lui vient des médecins
peu fiables consultés et elle s’est construite sur ces bases branlantes.
« À moins
que je vous spécifie le contraire, de l’âge de vingt ans jusqu’à près de
quarante ans, j’ai connu des phases de dépression légère, modérée ou sévère
pouvant durer une semaine, quinze jours, six mois, un an. »
Je ne m’attendais pas à aimer autant ce roman. Hormis la thèse bien lourdingue de l’autrice selon laquelle une femme rêve naturellement d’être mère (certains passages sont à hurler), j’ai accroché à l’histoire – et plus particulièrement à Martha – dès les premières lignes. Martha est attachante et émouvante ; son humour désespéré et mordant m’a touchée en plein cœur. Plus largement, tous les personnages m’ont plu (à l’exception d’Ingrid, la sœur de Martha). Par moment, on se croirait dans une série anglaise (notez que si l’histoire se déroule en Angleterre, l’autrice est néo-zélandaise).
« Je
ne suis pas douée pour la vie. Apparemment, c’est plus difficile pour moi que
pour les autres. »
Cette façon de vouloir
rendre léger (dans le ton) ce qui ne l’est pas (sur le fond) rend l’histoire
bouleversante. Une véritable profondeur ressort entre les lignes ; plus
Martha dérape, plus on a le cœur brisé de la voir se débattre dans une maladie
qui la dépossède, l’empêche de nouer des relations de qualité, d’avoir une vie
apaisée. Le titre original retranscrit
parfaitement les montagnes russes par lesquelles nous passons au fil de la
lecture.
En
dépit de quelques longueurs, le livre est bien conçu et se lit avec
plaisir. Au-delà du cœur du propos, rarement réjouissant, on note l’amour qui existe
entre certains personnages et s’exprime finement (la relation entre Martha et
son père, entre les deux sœurs, une solide amitié, etc.)
« … pendant la
majeure partie de ma vie d’adulte… j’ai essayé de devenir le contraire de ce
que je suis. »
A
force de chercher à (se) comprendre, Martha finira par rencontrer un psychiatre
capable de diagnostiquer la maladie dont elle souffre. L’émotion suscitée par cette
révélation donne lieu à des passages forts ; Martha peut se sentir
elle-même, ne plus être prise en otage par ses émotions. Mais cette nouvelle maîtrise
nécessite aussi de devoir, enfin, se comporter en adulte.
En définitive, je
recommande chaudement ce roman, tout en sachant que Martha ne fera pas l’unanimité.
Il faut vraiment l’aborder sans jugement et avec empathie pour tenter de comprendre
ce qu’elle vit.