Le K ne se prononce pas – Souvankham Thammavongsa

Le K ne se prononce pas – Souvankham Thammavongsa

Le K ne se prononce pas – Souvankham Thammavongsa
(How to Pronounce Knife, 2020)
Mémoire d’encrier 2021, 136 pages
Traduction de Véronique Lessard

 

Ce recueil de nouvelles met en scène des laotiens réfugiés en Amérique : il absolument remarquable à plus d’un titre.


Il y a tout d’abord une écriture incisive qui montre à la fois la détresse latente de ces personnes dont les vies sont façonnées par leur identité perçue (autrement dit, victimes de racisme) et leur identité malmenée de migrants et la tension due à ce qu’il faut refouler. La pulsion de rébellion qui habite ces personnages est maintenue sous cloche, autant que possible, ou détournée.  Néanmoins, on assiste aussi aux explosions, plus privées, en particulier de femmes qui, contrairement aux représentations occidentales de l’Asiatique, ne sont pas discrètes et dépourvues de caractère. Mais la réalité reste souvent une prison qu’il convient d’ignorer pour mieux la supporter.

Le style tranchant se retrouve aussi dans le regard porté par l’autrice sur ces Américains certes puissants et craints mais aussi tournés en dérision, que ce soit par celui qui leur fait croire qu’il les respecte ou parce qu’une mauvaise prononciation permet de récupérer plus de bonbons à Halloween. Parfois, votre faiblesse devient une force.

Ce qui donne une puissance supplémentaire à ces textes, c’est leur subtilité (en particulier dans le traitement du racisme) et leur pudeur (dans la façon d’aborder le passé, le pays d’origine, ce(ux) qu’on a laissé). Ces aspects traduisent bien la réalité des populations déracinées.

Enfin, et cela parachève véritablement ce recueil, l’autrice parsème ses textes d’humour et de dérision, évitant ainsi tout sentimentalisme ou misérabilisme. Si les expériences narrées m’ont désolée, voire révoltée, je ne suis pas ressortie de cette lecture la larme à l’œil ou le cœur en charpie. Sauf rares exceptions, même les vaincus semblent porter en eux une force intérieure, bien nécessaire pour se confronter à un quotidien peu tendre.


Le K ne se prononce pas est un livre bien meilleur que ce qu’en dit ce billet et je ne peux que vous inviter à découvrir un univers et une autrice dont le talent s’affiche à chaque page.