L’inconsolé – Kazuo Ishiguro

 

L’inconsolé – Kazuo Ishiguro
L’inconsolé Kazuo Ishiguro
(The Unconsoled, 1995)
Folio, 2010, 912 pages
Traduction de Sophie Mayoux

 

Le célèbre pianiste Ryder est de passage dans une ville d’Europe centrale où il est visiblement attendu au moins autant pour régler les divers problèmes de la population que pour se produire. C’est ainsi que le héros se retrouve pris dans une nasse de rendez-vous dont il n’a aucun souvenir précis et de promesses diverses et qui l’empêchent sans cesse de mener à bien ses projets. Sur les trois jours (3 jours = 900 pages – si je vous dis que j’ai trouvé le temps long, vous me croyez ?), il n’aura ni la notion du temps (et le lecteur encore moins), ni la moindre maîtrise de ses actions (c’est absolument anxiogène), alternant entre sentiment d’avoir résolu une situation (parfois) et frustration intense (souvent).

Le roman n’a pas été très bien reçu à sa sortie et il semble le moins lu et commenté de l’auteur. Moi-même, je ne le lis qu’en dernier, en attendant le prochain. Il a reçu un prix valorisant des œuvres ayant reçu moins d’éloges que mérité, ce qui en dit long sur l’ambiguïté que cette œuvre suscite.

C’est que le roman semble à la fois maîtrisé et complètement hors de contrôle ; bien que cela soit volontaire, la lecture n’en est guère agréable, tant nous sommes ballotés d’un personnage à l’autre, d’une situation à une autre, généralement improbable, voire parfois incompréhensible. Ce roman est une maison de fous : même une œuvre de Lewis Carroll semble plus sensée.

En outre, tous les personnages rencontrent des difficultés (le titre original aurait dû être traduit au pluriel selon Ishiguro et, en effet, cela aurait semblé plus pertinent). La lumière ne semble jamais être au bout du tunnel et le finale n’apporte même pas un répit : en vérité, l’auteur aurait pu rajouter 200 pages sans que cela apporte plus ou moins de sens à l’ensemble. C’est d’ailleurs le principal reproche que je ferai à ce roman : il est infiniment trop long ! La démonstration est comprise depuis longtemps qu’il poursuit sa route comme un véhicule sans frein poussé dans une descente.

Pourtant, on décèle bien des aspects intéressants, en particulier cette caractéristique quasi-unanime des personnages du Nobel : un côté déboussolé, à la limite de la psychiatrie, avec parfois une tendance à la mégalomanie et doublé d’une incapacité à lâcher le passé au point de vivre dans le déni (sacré programme). Ishiguro reprendra largement les lignes directrices de L’inconsolé dans son roman suivant, Quand nous étions orphelins, une œuvre bien plus réussie et comptant quasiment deux fois moins de pages.

En définitive, cette lecture est vraiment à réserver aux fans de l’auteur.