Le célèbre pianiste Ryder est de
passage dans une ville d’Europe centrale où il est visiblement attendu au moins
autant pour régler les divers problèmes de la population que pour se produire.
C’est ainsi que le héros se retrouve pris dans une nasse de rendez-vous dont il
n’a aucun souvenir précis et de promesses diverses et qui l’empêchent sans
cesse de mener à bien ses projets. Sur les trois jours (3 jours = 900 pages –
si je vous dis que j’ai trouvé le temps long, vous me croyez ?), il n’aura
ni la notion du temps (et le lecteur encore moins), ni la moindre maîtrise de
ses actions (c’est absolument anxiogène), alternant entre sentiment d’avoir
résolu une situation (parfois) et frustration intense (souvent).
Le roman n’a pas été très bien
reçu à sa sortie et il semble le moins lu et commenté de l’auteur. Moi-même, je
ne le lis qu’en dernier, en attendant le prochain. Il a reçu un prix valorisant
des œuvres ayant reçu moins d’éloges que mérité, ce qui en dit long sur l’ambiguïté
que cette œuvre suscite.
C’est que le roman semble à la
fois maîtrisé et complètement hors de contrôle ; bien que cela soit volontaire,
la lecture n’en est guère agréable, tant nous sommes ballotés d’un personnage à
l’autre, d’une situation à une autre, généralement improbable, voire parfois
incompréhensible. Ce roman est une maison de fous : même une œuvre de
Lewis Carroll semble plus sensée.
En outre, tous les personnages
rencontrent des difficultés (le titre original aurait dû être traduit au
pluriel selon Ishiguro et, en effet, cela aurait semblé plus pertinent). La
lumière ne semble jamais être au bout du tunnel et le finale n’apporte même pas
un répit : en vérité, l’auteur aurait pu rajouter 200 pages sans que cela
apporte plus ou moins de sens à l’ensemble. C’est d’ailleurs le principal reproche
que je ferai à ce roman : il est infiniment trop long ! La
démonstration est comprise depuis longtemps qu’il poursuit sa route comme un
véhicule sans frein poussé dans une descente.
Pourtant, on décèle bien des
aspects intéressants, en particulier cette caractéristique quasi-unanime des
personnages du Nobel : un côté déboussolé, à la limite de la psychiatrie,
avec parfois une tendance à la mégalomanie et doublé d’une incapacité à lâcher
le passé au point de vivre dans le déni (sacré programme). Ishiguro reprendra largement
les lignes directrices de L’inconsolé dans son roman suivant, Quand nous étions orphelins, une œuvre bien plus réussie et comptant quasiment deux
fois moins de pages.
En définitive, cette lecture est
vraiment à réserver aux fans de l’auteur.