L’autre moitié de soi – Brit Bennett

 

Autre moitié soi vanishing half Brit Bennett

L’autre moitié de soi – Brit Bennett
(The Vanishing Half, 2020)
Autrement, 2020, 475 pages
Traduction de Karine Lalechère

 

Quatorze ans après la disparition des jumelles Vignes, l'une d'elles réapparaît à Mallard, leur ville natale, dans le Sud d'une Amérique fraîchement déségrégationnée. Adolescentes, elles avaient fugué main dans la main, décidées à affronter le monde. Pourtant, lorsque Desiree refait surface, elle a perdu la trace de sa jumelle depuis bien longtemps : Stella a disparu des années auparavant pour mener à Boston la vie d'une jeune femme Blanche.

L’écriture n’a rien de remarquable et la construction de l’intrigue est très classique. Or le livre a tellement fait parler de lui qu’il est difficile de ne pas nourrir des attentes élevées à son égard.

Toutefois, son attrait se révèle rapidement à travers ses personnages : tous sont intéressants – c’est assez exceptionnel à ce titre – et presque tous sont complexes, venant nourrir une réflexion bien menée et riche. L’autrice évite l’ornière des stéréotypes tout en donnant à chacun des caractéristiques précises, dessinant à travers eux une société diverse. Cela lui permet de décliner le thème de la recherche d’identité de façon engageante. En effet, si le principal axe est fondé sur l’identité ethnique, Brit Bennett aborde également le genre et les questions de classes sociales. L’ensemble (surtout l’aspect ethnique, au cœur du roman) se retrouve dans la notion de passing.

Le traitement est subtil, pointant les travers de chaque communauté car, même dans le petit monde de Mallard, plus on a la peau qui tire vers le blanc, plus on est accepté et considéré. L’autrice montre également combien le choix du passing peut avoir un coût élevé – si Stella a gagné les privilèges d’une Blanche, elle a aussi dû renoncer à ses racines, sa famille d’origine et, surtout, à la tranquillité d’esprit et aux relations franches, tenir le rôle d’une personne que l’on n’est pas étant une charge de chaque instant.

On regrettera la fin un peu bancale, sans que ce soit véritablement préjudiciable à l’ensemble. Le bandeau « résumant » le livre par Comment devient-on qui ont est ? pointe avec justesse le fil conducteur de ce récit finement mené.