Les nouvelles lois de l’amour – Marie Bergström
Éditions La Découverte, 2019 220
pages
Sexualité, couple et rencontres au temps du numérique
Marie Bergström analyse les
changements apportés dans nos vies intimes par les sites et applications de
rencontres. La sociologue s’est appuyée sur des études sociologiques, d’autres
fournies par des sites, des entretiens avec les créateurs d’un de ces sites et
avec des utilisateurs. Cette approche multiple permet d’aborder le sujet sous
des angles complémentaires et donc d’avoir un éclairage plutôt complet.
Soulignons que le cadre étudié est celui de la rencontre hétérosexuelle.
Elle revient sur l’histoire de la
rencontre hors cadre habituel, des agences matrimoniales, à la petite annonce,
en passant par le minitel jusqu’à Internet) et fait ressortir une certaine
continuité (y compris dans les critiques). Ainsi, quand on parle de
« crise » de la rencontre amoureuse, c’est surtout une « crise
permanente ». Finalement, les critiques montrent la force de la croyance
dans le modèle romantique.
Pourquoi les sites rencontrent un
certain succès quand les autres méthodes n’ont jamais tout à fait pris ? Si
la technique joue un rôle, c’est surtout que nos sociétés ont évolué aussi bien
quant à l’approche de la vie sentimentale que d’une façon plus profonde
(« Les sites et les applications
doivent leur succès à [la] diversification de la vie intime »).
De même, au lieu d’accuser les sites
d’influencer les comportements comme le font trop vite les critiques
habituelles, Marie Bergström relève que « … si le marché travaille et publicise une série de pratiques amoureuses
et sexuelles, il n’est pas certain qu’il en bouleverse pour autant le contenu. »
Au fond, les sites et applications sont arrivés à au moment favorable.
Par ailleurs, l’autrice analyse le
fonctionnement de ces sites et applications (au modèle économique tout à fait
ordinaire*) et souligne combien leurs paramètres exacerbent ce qui
se passe déjà hors ligne, notamment dans le traitement des différentes
populations et les inégalités rencontrées : les jeunes /vs/ les moins
jeunes, les femmes / vs/ les hommes, etc. Ainsi, ces services sont avant tout
des révélateurs d’une situation existante plus que les leviers de changements. Marie
Bergström approfondit en particulier les questions sociologiques et
culturelles, la façon dont les affinités ou rejets traduisent des schémas
connus et ne font que révéler nos appartenances sociales et culturelles ;
de même, ces outils ne font que renforcer les comportements et attentes genrés.
Enfin, elle traite du mode de fonctionnement
de ces outils et de leurs impacts sur les rencontres : prédominance de l’écrit
qui souligne, de facto, les inégalités
sociales et culturelles, schéma de rapprochement différent de la rencontre IRL
(profil, échanges, rencontre « visuelle », etc.) et accélération du
passage à l’acte (« Les rencontres
en ligne sont bien moins ambiguës que celles qui ont lieu ailleurs. » - autrement dit : on n’est pas là par
hasard).
Fondamentalement et contrairement à
ce que leurs détracteurs leur reprochent, ces sites et applications ne
favorisent pas un comportement sexuel débridé. Certes le changement de cadre de
la rencontre (car c’est bien l’élément-phare) permet aux utilisateurs d’être
plus à l’aise (engagement et désengagement rapides) car moins soumis à la
pression de l’entourage mais cela ne signifie pas pour autant que les gens
oublient toute réserve. Cela profite en particulier aux femmes, toujours
abondamment surveillées.
Le style est clair et le propos
accessible. Cela se lit avec plaisir et intérêt.
* Sur le modèle économique, on notera
que les hommes sont les clients (ils payent), les femmes les produits (et si
Bergström ne le dit pas, on sait bien qu’en marketing : « quand c’est
gratuit, c’est toi le produit » - à méditer par toutes les femmes)