Murène – Valentine Goby
Actes Sud, 2019 380
pages
(existe en Babel - poche)
Hiver 1956. Dans les Ardennes,
François s'enfonce dans la neige, marche vers les bois à la recherche d'un
village. Croisant une voie ferrée qui semble désaffectée, il grimpe sur un
wagon oublié… Quelques heures plus tard une enfant découvre François à demi
mort ― corps en étoile dans la poudreuse, en partie calciné.
Démarre alors le récit de la
renaissance du jeune homme. Comment accepter un corps mutilé, qui plus est
quand on avait la vie devant soi ? Comment se reconstruire moralement ?
Comment transformer ce « noyau de pêche » dans lequel s’est réfugié l’esprit
en un homme nouveau, un être humain à part entière ?
C’est un roman superbe que livre ici
Valentine Goby. A la fois destin individuel et histoire de la prise en charge
du handicap, Murène nous embarque dès
les premières pages et ne relâche pas sa prise jusqu’à la fin.
Dans les années cinquante, entre les
limites de la chirurgie et celles de l’appareillage, être un grand amputé est
une condamnation ou presque. Si le corps médical se réjouit d’avoir pu sauver
François, ce dernier n’est pas aussi enthousiaste. Certes, il n’est pas mort
mais il n’est pas vivant non plus. A 22 ans, sa vie est terminée ; il
refuse l’appareillage, ne supporte pas d’être assisté pour tout, reste cloîtré
dans la chambre chez ses parents.
Peu à peu, le hasard, une rencontre,
l’espoir d’un amour, la natation surtout, vont mener François sur le chemin de la renaissance.
Sans pathos mais avec une belle sensibilité, Valentine Goby nous fait partager l’intimité de François, un
personnage tellement bien incarné qu’il est difficile de ne pas s’investir de
tout son être dans son histoire. Corps et âme, on vit chaque instant avec lui ;
on espère, on tempête, on est un peu sa famille aussi. Ce livre est incroyablement
absorbant.
L’autrice nous livre aussi des
éléments sur le monde du handicap : les différents statuts et les conséquences qu’ils emportent notamment en termes de
pensions, le regard de la société de l’époque sur les handicapés et puis,
dans le dernier quart, sur le sport.