Manifeste animaliste – Corinne Pelluchon
Alma Editeur, 2016, 112 pages
Cet
essai est découpé en trois parties. Tout d’abord, la philosophe procède à un
état des lieux de la cause animale
aujourd’hui ; ensuite, elle explique pourquoi la politisation de la question animale est nécessaire ; enfin,
elle formule quelques propositions
concrètes.
Bien
que bref, cet ensemble est plutôt complet et bien articulé.
Corinne
Pelluchon insiste sur le fait que les humains et les autres espèces animales
doivent co-exister que cela nous plaise ou non. Cela signifie que nous devons
les prendre en compte dans nos décisions parce que leur destin est aussi le
nôtre.
Elle
souligne, en outre, que la façon dont nous traitons les autres animaux en dit
long sur nous, sur ce qu’être humain signifie. En méprisant les animaux, « nous nous amputons d’une part de nous-mêmes ».
La
majeure partie de ses propos de la première partie sont pour moi de telles
évidences que cela m’a bouleversée, et de lire ce qui m’habite depuis quasiment
toujours, et de songer combien peu de monde est sensible à cette façon de voir
le monde.
« Reposant
sur une identification immédiate, qui précède la réflexion et la distinction
entre moi et autrui, la pitié suppose que j’appréhende l’autre comme vivant,
non en fonction de son appartenance à une espèce, à un genre ou à une
communauté particulière. […] que sont
la morale et la justice sans la pitié ? » C’est le fondement de
mon végétarisme depuis près de trente ans. On pourra toujours dire qu’opter
pour une vie sans soutien à l’exploitation animale (le véganisme donc) a tel ou
tel impact positif sur tel ou tel aspect (la santé, la planète, etc.),
fondamentalement, ce qu’écrit Corinne Pelluchon ci-dessus est pour moi l’essence
même de ce choix.
« Que
signifie la morale lorsque l’on réserve la bienveillance à certains êtres ? »
Le
propos est clair (même si d’une accessibilité parfois délicate), inclusif (« Nos rapports aux animaux sont donc le reflet
de notre rapport à nous-mêmes et la maltraitance envers eux est bien souvent un
signe avant-coureur de la violence envers les humains, notamment envers les
plus faibles, comme les enfants, les femmes, les personnes en situation de
handicap, les prisonniers et, jadis, les esclaves. »),
non moralisateur envers la majorité spéciste sans pour autant affadir le propos
par trop de consensus : « Jeter
un voile pudique sur la souffrance animale que tout conduit à rendre invisible…
vivre comme si rien d’effroyable n’arrivait ou comme s’il était impossible de
mettre fin à ce massacre quotidien, c’est accepter d’être contaminés par le
mal. » Par ailleurs, l'essayiste met également en garde contre « la tyrannie du bien » et le risque
de se draper dans sa vertu pour un antispéciste.
Les
deux autres parties m’ont moins convaincue, essentiellement parce que j’ai peu
de foi en l’humanité. C’est qu’il s’agit de transformer en profondeur la
société et je n’ai pas le sentiment que cela soit possible. Cependant, les
personnes comme Corinne Pelluchon sont nécessaires à l’assainissement de cette
humanité en perdition et je ne peux que me réjouir qu’elles existent : j’envie
leur capacité à croire que leur rêve d’une société inclusive et non fondée sur
des rapports de domination pourra se concrétiser.
En
définitive, on soulignera la réflexion de grande qualité. A noter qu’un
glossaire est disponible à la fin de l’ouvrage.
A
avoir dans sa bibliothèque, à offrir et diffuser largement.