Vous n’êtes pas venus au monde pour rester seuls - Eivind Hofstad Evjemo


Vous n’êtes pas venus au monde pour rester seuls  - Eivind Hofstad Evjemo
Vous n’êtes pas venus au monde pour rester seuls  - Eivind Hofstad Evjemo
 (Velkommen til oss, 2014)
Grasset, 2017, 304 pages
Traduction de Terje Sinding

Le livre s’ouvre alors qu’une famille rentre chez elle, sous le regard de Sella et d’Arild. Si le couple connaît mal (voire pas du tout) ces voisins, ils ne peuvent s’empêcher d’être intéressés par ce retour tragique. En effet, un des membres de la famille est absent, la fille, assassinée par Anders Breivik.
Mais le livre ne porte absolument pas sur ce massacre. Il interroge plutôt sur la perte, le deuil, la façon d’y survivre, la possibilité de le partager.
Sella et Arild ont eux aussi perdu un enfant, leur fils adoptif, parti sur les traces de sa mère biologique et jamais revenu. Comment exprimer sa sollicitude sans être intrusive ? Des drames similaires rapprochent-ils automatiquement des inconnus ? N’est-ce pas une façon auto-centrée d’aborder les autres ?

« … l’oubli est aussi important que le souvenir. »

C’est un texte très lent, dense et poignant qui peut paraître froid et détaché mais dont la force tient justement à cette absence totale de mélo.
La quatrième indique que l’auteur « installe une atmosphère hyperréaliste » et l’adjectif définit exactement ce que l’on ressent à la lecture. On se sent plus devant un reportage brut que face à un film aux scènes léchées.

« Elle a le sentiment que sa vie s’inscrit dans un ensemble plus grand… La petite vie qui est la sienne, et l’immensité du tout. »

Surtout, Evjemo évoque bien plus que la perte d’un proche. Il retrace la vie du couple Sella / Arild : comment ils ont décidé de s’installer ensemble, pourquoi à cet endroit, etc. Si c’est parfois déconcertant, tant on attend « qu’il se passe quelque chose » (oubliez l’idée même de péripétie – un congélateur ayant subi une coupure d’électricité sera le summum des événements), on se laisse imprégner par cette atmosphère particulière, par cette approche un brin philosophique. Le ton rend l’ensemble quasi-hypnotisant.

« Ce n’est pas parce qu’un geste se veut chaleureux qu’il est ressenti comme tel. »

Ce roman pas banal infuse lentement l’esprit ; nul doute qu’il laissera une trace durable en moi. Définitivement à découvrir.