La loi de la mer - Davide
Enia
(Appunti per un naufragio, 2017)
Albin Michel, 2018, 240 pages
Traduction de Françoise Brun
Dans ce récit, l’auteur sicilien
évoque Lampedusa, sa géographie, son histoire, surtout récente, mais aussi sa
famille, en particulier son père avec lequel il a toujours peu dialogué et qui
l’a accompagné sur place, ainsi que son oncle Beppe qui se meurt.
Enia rend hommage aux
migrants, en particulier ceux disparus par bateaux entiers cette dernière
décennie, mais aussi à leurs sauveteurs, marqués à jamais par ce qu’ils ont vu
et ont vécu, aux habitants mobilisés par simple réflexe humanitaire.
L'auteur est revenu à Lampedusa
plusieurs années de suite pour rencontrer des témoins, essayer de rendre compte
d’une tragédie vite oubliée des médias, des traces que ces naufrages laissent
dans les cœurs de ceux qui les vivent, y assistent.
« Le ciel si proche qu’il vous
tombe presque sur les épaules. La voix omniprésente du vent. La lumière qui
frappe de partout. Et devant les yeux, toujours, la mer, éternelle couronne de
joie et d’épines. »
Sur place, Davide Enia loge chez
des amis qui racontent que, comme beaucoup, le premier réflexe c’est la peur, c’est
de fermer sa porte, retourner dans le canapé, faire comme si on n’avait rien entendu,
rien vu. Et même si quelques secondes plus tard, on est sur la plage, la main
tendue, on continue d’avoir honte, des années après, de cet instant d’effroi
face à l’inconnu, à l’étranger qui vient bousculer notre quotidien.
L’écriture possède une
grande force émotionnelle ; avec une économie de mots, l’auteur sait rendre
compte du cœur humain, de l’intime. C’est cette même pudeur qui préside à ses
relations avec son père, entre son père et son oncle, chez tous ces mâles
siciliens qui ont intégré dès l’âge le plus tendre qu’un homme ne montre pas
ses sentiments, même à son fils, même à son frère.
Davide Enia mêle avec brio
la douleur collective, publique, voire médiatique et la douleur personnelle,
intime, cachée.
Ce récit bouleversant est un
dialogue de cœur à cœur, une merveille de délicatesse. A lire !
Sur le même sujet, lire l’également
excellent Dans la mer il y a des crocodiles de Fabio Geda.