Les femmes et le pouvoir :
un manifeste - Mary Beard
(Women
& Power. A manifesto, 2017)
Éditions Perrin, 2018, 125 pages
Traduction de Simon Duran
Ce livre
rassemble deux conférences données par la spécialiste de l’antiquité. Il évoque
d’abord « la voix publique des femmes », puis « les femmes et le
pouvoir » dans le cadre occidental. L’autrice montre que dès l’antiquité,
les femmes ont été soigneusement tenues à l’écart des cercles du pouvoir à tous
les niveaux, y compris celui consistant à faire entendre sa voix hors des murs
du foyer. Les arguments des hommes sont divers mais toujours marqués par la
mauvaise foi car, fondamentalement, l’objectif est de conserver le pouvoir, de
rester entre soi. Les mythes punissent les femmes qui ont simplement voulu
l’ouvrir ; la leçon est restée.
Mais Mary Beard
n’en reste pas aux constats. Elle relève avec pertinence que la façon dont on
traite aujourd’hui l’égalité femmes-hommes ne s’attaque pas aux véritables
sujets. Les problèmes de gardes d’enfants, d’horaires de travail favorables à
la vie familiale, par exemple, ne sont que l’écume (sans compter que ces sujets
ne devraient pas être perçus comme « intéressants
les femmes », sous-entendu, spécifiquement). Mary Beard souligne que
c’est toute une façon de penser qui est biaisée et donc à revoir.
« La question n’est pas seulement de savoir
comment [la femme] pourrait arriver à
faire entendre sa voix, mais plutôt comment nous pouvons apprendre à être plus
conscients des procédés et des préjugés qui font que nous ne l’écoutons pas. »
A l’aide de
plusieurs exemples, l’autrice relève qu’une femme qui veut se faire entendre
aura tendance à adopter un comportement masculin : rendre sa voix plus
grave, porter des pantalons (de façon étudiée s’entend ici), avoir une attitude
supposée moins féminine (« …mon
hypothèse de base est que le modèle mental et culturel sur le fond duquel le
pouvoir d’un individu nous apparaît demeure résolument masculin. »)
Or rien
n’indique que ce soit la meilleure des stratégies (même s’il ne s’agit pas de
jeter la pierre à celles qui y ont recours). Car les femmes essaient (pour ne
pas dire « se fatiguent ») de s’adapter à une structure de société et du
pouvoir, qui a été bâtie sur des codes masculins. Et Beard de conclure :
« c’est la structure qu’il faut
changer. »
Sur un aspect
plus sociétal, l’autrice évoque l’acharnement subi par les femmes qui osent
parler, notamment sur les réseaux sociaux, et le fait qu’on ne
leur accorde pas le droit de se tromper quand un homme peut dire à peu près
n’importe quoi sans se faire reprendre ou en bénéficiant d’excuses atténuant ses
errements.
On regrettera
que ce livre soit bien trop bref car il est porteur de pistes de réflexion
prometteuses, en particulier sur la façon de repenser la société et donc la
place des femmes.