La chair - Rosa Montero
(La
carne, 2016)
Éditions Points, 2018, 216 pages
Traduction de Myriam Chirousse
Pas facile
d’accepter son âge quand on a soixante ans, qu’on vit seule et que votre (jeune)
amant vous quitte pour faire un enfant avec sa (jeune) épouse. Soledad engage
donc un gigolo de trente ans pour l’accompagner à l’opéra et rendre jaloux le
futur père. Mais, à la sortie, un événement inattendu et violent bouleverse la
situation et marque le début d’une relation trouble.
Voilà une
intrigue menée tambour battant qu’on lit d’une traite. C’est très bien fait,
équilibré entre réflexion et action, entre tension et relâche et dans le ton.
« Soledad, malheureusement, n’aimait que les
beaux garçons. »
Notre
héroïne se rebelle contre le destin avec
rage et désespoir, avec humour aussi, et le récit de son aventure se mêle aux
histoires des écrivains maudits de l’exposition qu’elle prépare pour la
Bibliothèque nationale (ce second fil narratif possède un véritable intérêt
propre).
« Être maudit, c’est savoir que votre discours
ne peut pas avoir d’écho, parce qu’il n’y a pas d’oreilles capables de vous
comprendre. […] Être maudit, c’est ne pas correspondre à son époque, à sa classe
sociale, à son milieu, à sa langue, à la culture on est censé appartenir. Être
maudit, c’est désirer être comme les autres, mais ne pas pouvoir. »
Si Soledad peut
se révéler agaçante, elle est aussi très attachante. Sa façon de prendre tout à
cœur la consume et lui donne de l’énergie en même temps. La demi-mesure ?
Jamais entendu parler. Pourtant, elle saura évoluer (et c’est une des grandes
réussites du roman) et, si la conclusion ne m’a pas vraiment convaincue, on ne peut
que constater que c’est bien fait.
«… peut-être les obsessions se
déguisaient-elles en apparence d’amour pour avoir l’air de quelque chose de
plus beau qu’un simple déséquilibre mental ? »
L’esprit
« Rosa Montero » est partout présent dans ce roman ; c’est ce
qui rend l’œuvre solaire. Rien que pour cela, ce livre vaut la peine d’être lu.