La capitale - Robert Menasse


La capitale  - Robert Menasse
La capitale  - Robert Menasse
 (Die Hauptstadt, 2017)
Éditions Verdier, 2019, 438 pages
Traduction d’Olivier Mannoni


Tout commence dans le quartier Sainte-Catherine à Bruxelles, près de l'hôtel Atlas, où un cochon en liberté fait soudain irruption, bousculant tout sur son passage. Il sera vu par plusieurs personnes, en partie des fonctionnaires de l’UE, dont nous suivons par la suite les trajectoires.


Robert Menasse est essayiste et romancier et cela se ressent à chaque page. En effet, ce livre combine la séduction que l’on attend d’une fiction et la profondeur et le sérieux d’un essai.

On se prend vraiment d’intérêt pour les destinées des personnages que ce soit la grecque chypriote (ou chypriote grecque) qui veut obtenir une promotion, l’homme de main en fuite qui n’a pas tué la bonne personne, le flic (même pas caricatural : on n’osait plus en rêver), le professeur retraité qu’on pousse sur la touche, etc. Chacun a une histoire intéressante, des failles souvent béantes, des parcours à la fois classiques et personnels.
Plusieurs fils narratifs accrochent l’intérêt : entre les intrigues à la Commission européenne, l’enquête sur un assassinat qui vire à l’affaire d’espionnage, les biographies de chacun marquées par l’histoire européenne passée et actuelle, tout converge à créer un intérêt jamais démenti et une tension romanesque calculée au millimètre. Le roman se lit comme une saga passionnante.


Sur le fond, on comprend facilement comment avec un tel matériau Robert Menasse s’en donne à cœur joie. L’Europe a mal à son image et l’auteur n’a aucune difficulté à exposer toutes les raisons qui ont abouti à cette situation. Son analyse lucide et son style mordant n’épargnent rien ni personne.

« Pour tout membre de la Commission désireux de faire avancer un projet, constater que personne ne s’y intéressait était un grand soulagement. »

Mais il ne s’agit nullement ici de démonter l’Europe pour démontrer combien cette construction est stupide, au contraire. On devine que l’auteur est plutôt attristé (et atterré) qu’un projet qui avait de grandes ambitions en soit réduit à des querelles politiciennes où chaque Etat-membre ne veut céder en rien tout en voulant faire partie d’un tout (mais pas trop non plus), où les lobbys sont plus puissants que l’intérêt général, où les experts consultés sont trop apeurés (et paresseux ?) pour penser réellement et faire des propositions, etc. C’est un jeu de massacre, argumenté et brillant porté par une réflexion ample et puissante.

Une réussite !


Prix du livre allemand 2017

Ce livre m’a été transmis par l’éditeur.