L’écart – Amy Liptrot


L’écart – Amy Liptrot
L’écart – Amy Liptrot
(The Outrun, 2016)
Globe, 2018, 330 pages
Traduction de Karine Reignier-Guerre


Comment parler d’un livre qui vous a touchée plus que vous ne l’auriez voulu ? Amy Liptrot, par sa franchise, sa fragilité et sa force, son récit direct, pudique et sans fausses excuses, nous fait revivre sa plongée dans l’alcoolisme et son combat pour en sortir.

Jeune, Amy sort et boit plus que de raison ; il s’agit de profiter de la vie, de ressentir des émotions plus vives, de sortir de soi, d’expérimenter. J’ai fait pareil ; beaucoup de jeunes aussi. Mais quand les autres mûrissent, tournent la page, Amy ne sait pas s’arrêter, ne peut pas s’arrêter, ne perçoit plus les limites. Amy tombe dans un gouffre sans fin, se fait du mal, blesse les autres, fiche sa vie en l’air. Elle s’en rend compte par moment et boit pour oublier, promet de ne plus recommencer. Jusqu’au jour où elle est allée trop loin ; elle cherche de l’aide, en trouve dans le cadre d’un programme public, un programme qui a un certain taux d’échec. Amy s’accroche, va jusqu’au bout… Et après ? Car ce n’est pas au bout de quelques semaines que l’on est guérit ; la rechute est aisée ; comment s’aguerrir, persévérer, s’éloigner toujours plus du danger ?

« J’étais allée si loin dans la détresse que je ne savais pas comment en revenir. »

Amy revient sur sa terre natale, aux Orcades, ces îles de l’extrême nord de l’Écosse. Elle reprend contact avec la nature, sa simplicité et sa brutalité, des paysages superbes (en photos) déserts ou presque. Elle reprend contact avec elle-même aussi et, si cela peut paraître banal, le processus de guérison est bien réel. L’autrice nous livre de belles pages sur la faune, la flore, les phénomènes météorologiques, géologiques, astronomiques, mais aussi les traditions locales (et de moins belles – à mon sens - sur l’élevage).

Amy Liptrot est émouvante ; j’ai ressenti une grande compassion pour elle, de l’admiration pour sa lucidité et son courage. C’est un témoignage magnifique, bouleversant, fort, jamais larmoyant. Je le relirai, revivrai ce parcours lent mais inexorablement dirigé vers la lumière.

Un des plus beaux livres de 2018.