L’abattoir de
verre
– J.M. Coetzee
Seuil,
2018, 176 pages
Traduction
de Georges Lory
Nous retrouvons ici
Elizabeth Costello, romancière (toujours) vieillissante que nous avions
rencontrée dans l’ouvrage du même nom publié il ya plus de dix ans.
Ce livre rassemble des
textes publiés en anglais de 2011 à 2017 dont les deux sujets principaux sont
l’humanité et l’animalité d’une part, la vieillesse d’autre part. Il m’a semblé
que ce recueil était plus cohérent qu’Elizabeth Costello (dont les deux
meilleurs textes sont ceux sur les animaux, initialement publiés en anglais
sous le titre The Lives of Animals),
plus incisif aussi.
« Quelle miséricorde nous accordera le lapin de
Descartes, martyr de la science… Quelle indulgence méritons-nous ? »
La force de ces textes
réside dans la capacité de Coetzee à manipuler des idées avec une concision
exemplaire et une qualité de réflexion très fine. Certes l’auteur excelle à cet
exercice ; il le prouve quasiment dans tous ses livres. Il n’en reste pas
moins que L’abattoir de verre est une
sacrée réussite. On pourra reprocher à l’auteur son intellectualisme froid
mais, là encore, c’est du Coetzee : un peu aride, pas franchement porté
sur les émotions et malgré tout une élégance dans la façon de montrer
l’humanité qui affleure à travers les peurs de la romancière aussi courageuse
se veut-elle.
« L’histoire réelle se passe sur le balcon, où
deux enfants d’âge mûr font face à une mère dont la capacité à les perturber et
à les consterner n’est pas encore épuisée. »
Elizabeth Costello est
un personnage qui finalement donne du courage : bien sûr la mort (et avant
elle la décrépitude) est inéluctable mais on n’est pas obligé de se résigner
(ni de renoncer à un humour un brin bravache. Parlant de Dieu, Elizabeth lance
à John, son fils : « … Dis-lui
bonjour de ma part. Dis-lui que je passerai un de ces jours. »).
Le livre se
termine sur une évocation des poussins mâles broyés dont on entend parler
depuis quelques années. Encore une fois, Costello /Coetzee s’élève au-dessus de
la mêlée, rendant hommage à ces vies piétinées, si vite oubliées, sans
larmoiement mais avec une grande sensibilité.
Des textes qui
donnent matière à penser, nous ramenant sans cesse à notre misérable condition
humaine.