The Heart Goes Last – Margaret Atwood
Anchor
Books, 2016, 380 pages
(VF : C’est le cœur qui lâche en dernier,
Robert Laffont)
Victimes de la dernière grande crise économique,
Charmaine et Stan vivent dans leur vieille voiture. Le jour où Charmaine entend
parler de Consilience, elle convainc Stan de signer pour y vivre. Le contrat est signé à vie et permet de jouir d’un
travail et d’une maison un mois sur deux ; le reste du temps, les
résidents le passent en prison.
Evidemment, au départ, ça a l’air d’un bon deal (c’est
dire à quel point les gens ont leurs vies dévastées par la crise) et,
évidemment, ça cache quelque chose. Mais peu importe finalement car l’intérêt
réside dans les couches profondes du livre.
Commençons par ce qui m’a déçue : sur le fond,
j’ai regretté que l’autrice ne fasse qu’effleurer certaines pistes qu’elle se
contente de lancer ; sur la forme, je m’attendais à quelque chose de plus
flamboyant alors que l’écriture d’Atwood est plate, sans véritable
attrait ; en outre, l’alternance de chapitres Stan / Charmaine finit par
être ennuyeuse, hache trop la narration et quelques longueurs sont à regretter.
Mais cette lecture fut surtout très prenante et les
courts chapitres ont défilé à toute vitesse : je voulais connaître la
suite, l’issue, tout savoir sur tout. Une fois l’intrigue bien lancée, on a du
mal à penser à autre chose.
Le personnage de Charmaine est particulièrement
accrocheur ; plus complexe qu’elle n’y paraît, la jeune femme surprend et
nous laisse souvent dans l’attente. Je me suis vraiment attachée à elle et j’ai
désormais du mal à croire que non, je ne la rencontrerai jamais. La toute fin
ajoute une dimension au personnage ; c’est une réussite totale.
Les questions de fond sont d’une actualité brûlante et
d’une grande pertinence, d’où mon regret que certaines idées ne soient pas
exploitées à fond. Il y est question bien sûr de choix : vivre librement
dans la misère (mais jusqu’à quel point sommes-nous libres quand nous n’avons
plus rien ?) ou renoncer à la liberté pour avoir la sécurité ; avoir une
vie sous contrôle et surveillée ou se battre chaque jour pour survivre mais
sans rien devoir à personne ; à quoi sommes-nous prêts à renoncer pour
sauver ce qui reste de nos vies ? Et l’intérêt du roman est d’être subtil
sur ces questions : on a vite fait d’y répondre, de juger que la liberté
n’a pas de prix, etc. Mais quand on est confronté à ces questions concrètement,
c’est bien moins simple de trancher. Justice, éthique, ... On balaye les grandes questions éternelles.
Outre un certain art en la matière, Atwood jongle
également très bien avec l’humour (dans un contexte noir, c'est précieux), avec les atmosphère variables : le
lecteur est sur des montagnes russes et cela contribue indéniablement à
l’attrait du livre.
Enfin, il est question du libre-arbitre : jusqu’à
quel point pouvons-nous l’exercer ? Jusqu’à quel point sommes-nous
conditionnés ? Si la fin m’a paru traîner en longueurs, Margaret Atwood
offre une pépite dans les dernières pages et laisse admirative. Elle donne
matière à penser jusqu’au bout.
C’est le cœur
qui lâche en dernier offre de belles
réflexions emballées dans une histoire pleine d’aventures placées sous le signe
de l’humain. A lire !