Alto, 2015,
128 pages
« Quand je
lis avec assez de patience, les mots déposent un nouveau parfum sur ma peau. »
Il est difficile de trouver de la littérature québécoise
en France, qui plus est à un prix décent, hormis certains auteurs classiques
ou quelques coups marketing. Quand je me suis penchée sur cette littérature
pour la première fois, j’ai été immédiatement attirée par la voix poétique et
atypique d’Elise Turcotte. J’avais pour ambition de lire Guyana ; c’est Le parfum
de la tubéreuse que j’ai trouvé.
Professeure de littérature, Irène retourne enseigner
après un long congé maladie. Dans un contexte politique tourmenté (le printemps
érable), Irène a plus que jamais pour mission de faire toucher du doigt à ses
élèves le pouvoir de la littérature comme moyen de résistance, y compris dans les limbes où elle demeure désormais. Pour cela, elle
n’a plus qu’un seul livre, des nouvelles de Can Xue (autrice chinoise dont la famille a été victime de Mao).
Les univers d’Elise Turcotte sont toujours étranges,
sombres et lumineux à la fois. Ce n’est pas une œuvre que je recommanderais à
tout le monde mais je plonge dès les premières lignes presque chaque fois.
C’est une voix unique qui ensorcelle, qui vient de l’intérieur et se glisse
dans les interstices, s’enroule autour de nous, nous embarque et nous emporte.
Elise Turcotte suggère, use de métaphores, déploie une
ambiance délétère mais plante aussi une graine d’espoir. Elle dit la fragilité
de nos vies face au pouvoir mais aussi la force que l’on peut puiser dans notre
incomplétude d’humains pour peu que la littérature nous soutienne, nous
encourage et finalement nous transfigure. C’est un roman qui, sous couvert de
poésie, est avant tout politique.
L’autrice fait appel à notre imagination, aux sens
qu’il nous faut sublimer ; son pouvoir d’évocation est immense. On croise
dans ces pages la mandragore, une fleur en origami, des flacons de parfums, un
chat qui apparaît, une chanson. Nous sommes dans le monde du rêve, au-delà de
la mort.
« C’est plus facile depuis qu’il ne me reste
qu’un seul livre. Je me défais de mon angoisse de femme qui ne sait rien
d’assez complet, je me délivre de la dictature de la totalité… »
Roman magnifique, roman de combat, Le parfum de la tubéreuse montre
l’engagement de l’autrice en plus de son talent.
Lecture vivement recommandée aux lecteurs motivés.
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