Le Maître du Jugement dernier – Leo Perutz
(Der
Meister des Jüngsten Tages, 1923)
Zulma, 2014, 205 pages
Traduction de
Jean-Claude Capèle
Vienne, 1909. Au cours d’un récital privé, on découvre le corps sans vie
du célèbre acteur Eugen Bischoff. Les circonstances de sa mort sont mystérieuses :
suicide provoqué ou meurtre maquillé ? Les soupçons se portent bientôt sur le
baron von Yosh, un homme froidement calculateur, étrangement rêveur et
notoirement amoureux de Dina, l’épouse de Bischoff.
Mais l’enquête menée en secret par Solgrub, membre lui aussi du petit
cercle, bascule soudain dans l’irrationnel le plus complet.
> Si
Perutz place d’emblée la narration sous
le signe du mystère, le lecteur n’a pas idée de l’imbroglio que lui a
préparé l’auteur.
C’est un
livre vraiment étrange au cours duquel on se fait mener par le bout du nez. Le
lecteur s’en rend bien compte sur le moment mais n’arrive pas à mettre le doigt
sur ce qui le chiffonne précisément. En effet, on ne sait jamais tout à fait si
le narrateur est fiable ou pas et s’il l’est rien n’est simple pour autant.
> L’histoire
suit des détours, les personnages utilisent des mots génériques ou imagés pour
désigner par exemple un meurtrier potentiel en parlant de « monstre »
avec toute la force d’évocation de ce terme qui prend ici un sens quasi
mythologique : on parle d'un être in-humain. Et quand l’intrigue tombe dans le domaine de l’irrationnel, c’est
amené avec le plus grand sérieux. Le narrateur semble rêver les yeux ouverts et
faire la part du vrai et du faux est
compliqué.
> Perutz
nous fait sentir que la personnalité du baron von Yosh est un point crucial. La
façon dont il est perçu ne nous le rend pas sympathique mais celle dont il nous
raconte ce souvenir nous fait pencher pour son innocence. Il mêle le factuel
(ou ce qui pourrait l’être) aux cauchemars et pensées diverses. Cela créé une atmosphère prenante qui renforce le
mystère.
> Quant
à la forme, c’est agréablement écrit (et traduit), ce qui ajoute au plaisir de
lecture.
Il est
difficile de lâcher ce court roman tant on veut connaître le mot de la fin
(d’ailleurs la fin prend un peu au dépourvu et donne envie de relire le compte
rendu de von Yosh. C’est assez diabolique dans son genre).