Anomalie des zones profondes du cerveau – Laure Limongi
Grasset, 2015, 208
pages
« Ça commence comme un orage. »
Voilà un livre singulier et pas seulement
pour son sujet annoncé, l’algie vasculaire de la face, autrement dit une super
migraine, la « migraine du suicide » même, tellement ça vous fiche en
l’air. Pourtant, Anomalie des zones
profondes du cerveau est très loin du roman geignard et déprimant ; au
contraire, il est animé d’une force vitale étonnante.
« Il s’agit de vivre la maladie comme une
aventure… »
Ce roman
est en effet une aventure aussi bien
sur le fond que sur la forme, une épopée inédite qui enchante et transporte en
dépit d’un sujet douloureux.
Bien sûr l’auteur
évoque les questions communes autour de la maladie, une maladie qui plus est « invisible »
pour les autres qui ne comprennent pas, pensent que vous exagérez, vous
conseillent de prendre un antalgique quelconque et de passer à autre chose.
« se cartographier comme un continent tout
juste découvert. »
Mais Laure
Limongi dépasse cette approche restreinte et nous propose une exploration originale qui, à partir d’une maladie peu
commune, digresse progressivement comme on fait des arpèges Les récits s’entremêlent,
dessinent une cartographie de l’humain soumis à la violence, celle de la maladie
certes mais pas seulement, la violence des traitements, de la médecine sans
imagination, celle que l’on fait à ceux qui sont différents quoi que désigne ce
terme, celle des hommes qui s’arrogent une supériorité sur le reste de la création
(qui n’est pourtant pas leur fait). L’humain jusqu’aux origines. C’est tout
sauf nombriliste.
« … se réapproprier son corps dans sa
magnifique imperfection. Et si, à la suite d’un Montaigne, nous redéfinissions
la santé comme acceptation souveraine de la maladie ? »
La
présentation des informations fait penser à un réseau neuronal qui relierait
dans un désordre factice des bribes de récits d’une malade, de données
scientifiques, géographiques, historiques, littéraires, de citations, etc. le
tout présenté avec originalité mais surtout une énergie qui vous fait tourner
les pages : j’aurais pu lire le roman d’une traite. L’auteur alterne les
moments émotionnels et ceux qui relèvent plus du reportage ou de l’enquête :
c’est efficace et passionnant, stimulant aussi, une « hache qui brise la mer gelée en nous » ; ce texte renouvelle
notre approche de la littérature en réinventant la forme.
L’auteur
réussit le pari de marier l’analytique au poétique car ce livre, c’est aussi un univers, un regard, une voix.
Ce roman a
dépassé toutes mes attentes ; c’est une perle, mon coup de cœur de cette rentrée littéraire, le livre que je voudrais faire lire à tout le monde. Il sort des
sentiers battus et nous fait vivre une autre expérience de la littérature. Il
vaut vraiment le détour : foncez !
Ce livre m’a été transmis par l’éditeur.