Ulysse – James Joyce
(Ulysses, 1922)
Folio, 2013, 1664
pages
Traduction de Auguste
Morel, Bernard Hœpffner, Jacques Aubert, Marie-Danièle Vors, Michel Cusin,
Pascal Bataillard, Patrick Drevet, Stuart Gilbert, Sylvie Doizelet, Tiphaine
Samoyault, Valery Larbaud
Le roman se déroule à Dublin sur une journée. Nous suivons les
déambulations de Leopold Bloom du lever au coucher, retrouvons Stephen Dedalus,
le personnage de Portrait de l’artiste en
jeune homme, croisons une infinité d’autres personnes, fictives ou ayant
existé, et nous penchons sur le couple Leopold / Molly.
Joyce a choisi de reprendre l’Odyssée
mais si vous n’avez pas lu l’épopée d’Homère ce n’est pas un problème :
les notices sont là pour vous éclairer, d’autant plus que Joyce a réaménagé l’ordre
des épisodes. En outre, tant d’éléments viennent se superposer, tant de
variations stylistiques sont expérimentées que l’œuvre d’Homère semble bien
méconnaissable (pour le meilleur).
Ceci n’est pas une chronique, ni même une tentative ;
ce n’est que le compte rendu d’une expérience que l’on aimerait vivre plus
souvent, quitte à faire le ménage dans ses lectures ; lire Ulysse, c’est s’exposer à une panne de
lecture conséquente à la rencontre.
J’ai choisi de lire ce roman sur une période très courte
afin d’en avoir une vision globale, de l’embrasser tout entier ; il ne
s’agissait que d’un défrichage qui sera complété par des relectures. De toute
façon, on ne peut tout comprendre en une seule lecture, on ne peut tout
remarquer la première fois, même si les notes des traducteurs attirent notre
attention sur tel ou tel point (et la lecture de ces notes, ainsi que des
notices, est une activité à part entière et essentielle).
C’est un travail sur
la narration et sur le langage. Vous plongez dans ce livre
comme dans un chaudron bouillant. Les épisodes s’enchaînent mais aucun ne vous
prépare vraiment au suivant tant Joyce y expérimente des formules différentes
de l’un à l’autre. Pourtant, une cohérence de l’ensemble ressort bel et bien.
Si ce livre n’est pas d’un abord facile, on tire aussi de
cette lecture une certaine euphorie, le sentiment de toucher à quelque chose
d’essentiel, de très grand : aucun livre ne m’avait fait un tel effet
auparavant. Dès le premier épisode (qui est pourtant loin d’être le plus
passionnant), j’ai embarqué et je savais que j’avais eu raison de
m’attaquer enfin à cette œuvre.
Ce qui ressort de mon expérience c’est la fascination : on est véritablement
sous l’effet d’un charme, d’un envoûtement ; même dans les moments un peu
compliqués la magie opère.
A chaque épisode (il y en a dix-huit) le style et le procédé
narratif change : si cela est réjouissant et stimulant, c’est aussi très
demandeur et on ne parle ici que de la forme. Mais, très clairement, l’aspect
expérimental m’a énormément séduite.
La dernière partie m’est passée un peu par-dessus la tête
car, à ce moment-là, j’étais arrivée à un trop-plein et l’épisode des Bœufs du soleil m’est tombé des
mains ; j’ai essayé de le reprendre mais je n’y entre pas ; je sais
que le début est difficile, rien à faire pour le dépasser jusqu'à présent.
Cependant, quand je lis ou entends que ce roman est illisible, je vois rouge. Il est
difficile et ne se livre pas sans efforts de la part du lecteur mais il n’est
certainement pas illisible. S’arrêter à un dégoût personnel est bien sûr tout à
fait possible et, on peut l’imaginer, assez courant. Néanmoins, mettre sur le
compte d’une incapacité personnelle du lecteur l’échec de Joyce est un peu fort
de café. On n’aime ou on n’aime pas mais on ne peut pas dire en toute bonne foi
que ce livre est illisible.
Les romans terre-à-terre, réalistes, avec un fond solide,
quitte à ce que la forme soit conventionnelle, sont ceux qui ont généralement
mes faveurs. Depuis ma lecture d’Ulysse,
je sais que ma vie de lectrice ne sera plus jamais la même et j’aspire à retrouver
de telles fulgurances dans mes prochaines lectures.