Thé et Tao – John Blofeld
(The
Chinese Art of Tea, 1985)
Albin
Michel, 1997, 276 pages
Traduction
de Josette Herbert
L’art chinois du thé
En évoquant
le thé, cet essai dépeint l’histoire culturelle et spirituelle de la Chine tant
la boisson et le pays sont liés. Néanmoins, le titre est un peu trompeur,
l’auteur ne consacrant qu’un seul chapitre spécifiquement (du moins dans son
titre) au lien entre thé et taoïsme, chapitre fort court et peu convaincant d’ailleurs.
A noter
également une orthographe des noms chinois des plus déstabilisantes (a priori il s’agit de l’orthographe
anglaise qui n’aurait pas été francisée au moment de la traduction). Ainsi le
gong fu cha est-il nommé kung fu (cha), Lu Yu est appelé Lu T’ung, etc.
C’est un essai
accessible aux néophytes mais qui pourra s’avérer souvent ennuyeux pour les
connaisseurs. Il est agréable et facile à lire.
L’historique
de la consommation de thé en Chine, son contexte et les caractéristiques d’une époque
à l’autre forment l’intérêt majeur du livre. On voit ainsi l’évolution et les
périodes charnières pour arriver à l’époque contemporaine ainsi que des
précisions quant aux différences de consommations entre les chinois et plus
largement les asiatiques et les occidentaux. Ce dernier point n’a rien
d’original quand on a déjà des connaissances sur le thé mais c’est bien amené.
L’auteur
s’appuie beaucoup sur les légendes, ce qui donne aussi au livre une plus grande
coloration chinoise. On parle souvent du thé de façon technique et déconnectée
de la culture, du folklore. Blofeld remet le thé dans son contexte culturel
sans pour autant forcer le trait. Ses descriptions des plantations de théiers (les
jardins de thé) donnent envie d’y aller. Il sait montrer combien la sérénité
est liée à la dégustation du thé plus que tout code artificiel.
Si se
concentrer sur la Chine est banal en ce que le thé est originaire de ce pays,
il est vrai que l’on connaît souvent mieux la cérémonie du thé japonaise, le chanoyu,
que la méthode chinoise. La différence tient en ce que là où les uns ont
élaboré une véritable cérémonie très codée, les autres privilégient le naturel,
la spontanéité. C’est en ce sens que le thé et le taoïsme sont liés.
Blofeld
évoque aussi les maisons de thé, l’impossible dénombrement des thés existants
en Chine (nous nous parlons pas ici, bien entendu, des « thés
parfumés » qui inondent les marchés occidentaux et que les Chinois
concoctent exprès pour l’export), le matériel, les sources de montagne, les
poèmes du thé, etc. Il fait le tour de la question et c’est un autre point fort
du livre.
En revanche, le
livre est un peu obsolète notamment quant aux types de thés que l’on peut
trouver en occident (plus nombreux qu’à l’époque de rédaction du livre, et les
thés blancs sont désormais faciles à trouver, y compris ceux d’excellente
qualité), ou encore quant aux connaissances scientifiques sur les effets du thé
sur la santé (ce chapitre donne le sentiment d’avoir été inséré parce qu’il
fallait bien en parler mais l’auteur ne maîtrise absolument pas son sujet).
C’est un
livre plutôt prenant qui est une excellente façon de s’introduire au monde du
thé mais qui mérite d’être complété par des ouvrages plus récents ainsi que
d’autres sur l’esprit du thé au Japon ou encore par l’expérience d’une séance
de gong fu cha (nul besoin d’aller en Chine pour ça).