Les
tribulations du dernier Sijilmassi – Fouad Laroui
Julliard, 2014, 342
« Adam
réfléchissait. Et il n’arrivait pas à trouver de solution à cette énigme :
pourquoi son corps se trouvait-il à une altitude de trente mille pieds,
propulsé à une vitesse supersonique par des réacteurs conçus du côté de Seattle
ou de Toulouse – très loin de son Azemmour natal, où les carrioles qui allaient
au souk dépassaient rarement la célérité du mulet, où les voitures à bras
n’excédaient pas l’allure du gueux se traînant de déboires en
contretemps ? »
Du jour au lendemain, Adam décide de mettre fin à
son mode de vie occidentalisé. Son épouse ne comprend rien ; son employeur
non plus. Et plus Adam essaie de s’expliquer, moins c’est clair pour les autres
au point qu’il finit même chez un psy. Car refuser d’aller vite, marcher au
lieu d’utiliser un véhicule à moteur, remettre en question ce qui est devenu
banal dans nos vies ne peut que signifier qu’Adam a perdu la tête.
Mais Adam, s’il ne sait pas exactement où il va,
sait ce qu’il ne veut plus. Et pour retrouver la saveur des origines, il
retourne à Azemmour où une tante âgée vit encore dans le riad familial. Là, il
se délecte du calme retrouvé et découvre les écrits des philosophes arabes que
son éducation occidentale avait occultés. Cependant, Adam se retrouve à son
corps défendant au cœur d’intrigues et même d’un culte.
Ce récit burlesque est tout à fait dans la veine
de Fouad Laroui : c’est bien écrit et facile à lire ; accessible et
profond ; on s’amuse tout en restant dans la réflexion.
Comment faire la paix avec soi-même, avec son histoire mais aussi l'histoire perdue, celle à laquelle on a renoncé pour adopter les références d'une autre civilisation ?
Comment faire la paix avec soi-même, avec son histoire mais aussi l'histoire perdue, celle à laquelle on a renoncé pour adopter les références d'une autre civilisation ?
L'intrigue finit par dériver sur une critique du
Maroc et de l’islamisme et confronte passé éclairé et un certain obscurantisme
actuel ; la bifurcation n’est pas toujours facile à rattacher au propos
initial mais, finalement, c’est bien fait même si pendant un bon moment on a le
sentiment de lire une toute autre histoire.
Quant au finale, il est amené de façon un peu
brutale et pas vraiment convaincante mais, sur le fond, il était difficile
d’imaginer une autre fin. Si l’auteur avait fait demi-tour devant l’obstacle,
on le lui aurait reproché.
Ce roman équilibré est l’occasion de passer un
excellent moment et de réfléchir un peu sur nos vies.