Le géant enfoui – Kazuo Ishiguro
(The Buried Giant, 2015)
Editions des Deux
Terres, 2015, 416 pages
Traduction d’Anne
Rabinovitch
Axl et Beatrice sont deux personnes âgées dont l’amour a
résisté au passage du temps. Ils décident de rejoindre leur fils, installé
depuis longtemps dans un village éloigné. Mais leur route, dans un pays où
coexistent Bretons et Saxons, est semée d’embûches qui les mettent à l’épreuve
d’une façon qu’ils n’imaginaient pas.
> Si ce roman est, thématiquement,
dans la lignée de l’œuvre d’Ishiguro, le choix de la fantasy est plus
étonnant même si l’auteur s’était déjà brillamment illustré dans le récit
d’anticipation avec Auprès de moi toujours.
Mais alors que le précédent roman pouvait toucher un large public, celui-ci est
très marqué par les créatures imaginaires (ogres, dragons, fées, …) et son
univers mêle les légendes dont celle du roi Arthur. L’intrigue est supposée se
dérouler peu de temps après la mort d’Arthur.
> Comme dans ses œuvres antérieures, Ishiguro évoque la mémoire et son corollaire l’oubli ce
dernier étant à la fois rassurant et une façon de montrer que les personnages
principaux se « voilent la face ». Leur oubli leur permet de vivre
sereinement mais il cache un passé qu’ils préfèrent oublier. Est-ce pour le
meilleur ou pour le pire ? Axl et Beatrice se réjouiront et s’effrayeront
tour à tour de la possibilité que la brume se dissipe. Leurs souvenirs sont-ils
justes et quelle est l’étendue de leur oubli ? Pourquoi leur fils ne
vient-il jamais les voir et qu’est-ce qui l’a poussé à aller vivre
ailleurs ?
Chaque pan de mémoire est chéri car il nous parle de notre
histoire et de notre identité. Mais que cache cette brume qui vole les
souvenirs de tous et d’où vient-elle ?
> Le principal
handicap du livre tient certainement dans les brumes de l’histoire qui maintiennent
cette dernière dans un flou n’incitant pas à l’engagement du lecteur. Ishiguro
arrive à nous intéresser aux aventures des personnages principaux sans pour
autant faire de ces derniers des personnes mémorables. Certes ils ont tous un
but mais l’histoire manque parfois de consistance ; nous restons dans une
tonalité onirique. Le lecteur garde à l’esprit qu’il ne s’agit que d’une
histoire ; à aucun moment on ne se prend vraiment au jeu d’y croire et
c’est ainsi que l’implication du lecteur ne peut jamais être entière en dépit
des nombreuses péripéties.
C’est une lecture que l’on apprécie mais qui est plus
difficile à aimer. Certains auront peut-être déjà expérimenté cela avec
d’autres romans de l’auteur ; si cela ne m’avait jamais vraiment dérangée,
ce livre-ci m’aura fait ressentir un décalage constant.