Achille – Marie
Richeux
Sabine
Wespieser Éditeur, 2015, 136 pages
« Le
vent se déplace dans l’avenue. Il projette du sable ocre sous les véhicules
arrêtés, dans les fissures du bitume, dans la cerclure des arbres, dans les
rideaux des vitrines qui ne remonteront pas. »
Ainsi
débute ce roman qui ressemble à un songe et dans lequel l’autrice reçoit la
visite d’Achille, ce héros à l’histoire peu banale et qu’elle aime :
« J’aime comment tu te nommes, Achille. Ton nom me fait déjà pleurer,
car c’est une épitaphe. »
Cela dit, l’homme qui apparaît chez la narratrice n’est pas
encore un héros et Marie Richeux s’emploie à souligner combien il est humain ; Achille est vulnérable.
>
Marie Richeux fait revivre l’histoire d’Achille avec beaucoup de poésie. L’écriture à elle seule suffirait à motiver la
lecture du roman. Elle accentue l’impression que l’auteur vit un rêve, le temps d’une nuit.
>
Si des connaissances préalables sur Achille
permettent de mieux profiter de cette lecture, un simple vernis de culture
générale est suffisant pour l’apprécier, l’autrice semant quelques informations
au passage. En vérité, le roman donne envie de lire tout ce qui a trait à
Achille, de sa naissance à sa mort en passant par une étude de caractère. Il ne
faut donc pas s’en tenir à l’écart au prétexte d’un manque de références.
> Marie Richeux ré-interroge la légende : Thétis a-t’elle simplement été négligente lorsqu’elle
plongea Achille dans le Styx ou s’agissait-il d’un calcul de la part de celle
qui tua ses précédents enfants ? Voulait-elle lui conserver une part
humaine, elle qui était condamnée à l’éternité ? « … tout vint de
ta main » conclut-elle, s’adressant à Thétis.
> C’est
un roman qui marie magistralement le
fonds et la forme, où l’atmosphère
et les personnages ne font qu’un (Thétis, la nymphe marine, accaparant la
salle de bains jusqu’à la transformer en son lieu de vie ; le salon, dans
lequel se tient Achille, bourdonnant de flèches ; le bruit de la guerre
qui s’annonce et à laquelle Achille ne peut échapper, etc.). Si l’autrice revisite le mythe, elle le respecte aussi à la lettre : on ne ré-invente
pas une tragédie ; ce qui est écrit aura lieu.
« Je
vois et sens les flèches. L’air en est plein, elles n’attendent pas de cible.
Elles attendent l’heure. »
>
La narration est très fluide et pourtant le roman vous
accapare. C’est d’ailleurs une de ses forces : il embarque le lecteur, l’habite,
s’insinue dans ses pensées et l’on se détache difficilement de cette histoire
qui n’aura duré qu’une nuit mais qui restera dans l’esprit bien plus longtemps.
D’une
grande originalité, ce roman n’en est pas moins très bien pensé. Marie Richeux déroule son histoire avec fantaisie et rigueur et ce n’est même pas paradoxal
sous sa plume.
C’est
sans nul doute un livre à découvrir.
« Dieux,
comme j’ai mal à la cheville. »