Un voyage à Berlin
– Hugo Hamilton
(Every Single Minute, 2014)
Phébus, 2015, 272 pages
Traduction de Bruno Boudard
Lors d’un
voyage à Berlin, Liam et Úna, se
souviennent et partagent des moments-clefs de leurs vies. Ils se dévoilent avec
une franchise particulière, peut-être parce qu’au-delà de leur amitié sincère, l’une
va bientôt mourir et n’a donc plus rien à perdre tandis que l’autre sait qu’il
peut se confier sans réserve à quelqu’un qui ne sera plus là prochainement.
> Liam
et Úna, ce sont Hugo Hamilton et Nuala O’Faolain. S’il n’est vraisemblablement pas
nécessaire de connaître les deux écrivains pour apprécier ce roman, il est évident
que son approche est différente en fonction des références du lecteur. Cela
semble d’autant plus vrai en ce qui concerne O’Faolain car outre ses livres autobiographiques,
ses fictions sont imprégnées de sa personne, de sa vie.
> Ce
voyage a réellement eu lieu et Nuala O’Faolain, disparut peu de temps après. Un
excellent article du Guardian rapporte
quelques éléments à la fois intéressants et tristes, comme le fait que certains
aient jugé la démarche d’Hamilton opportuniste alors même que ce livre est,
sans la moindre ambiguïté, un hommage
à une amie disparue.
Certes
le narrateur ne se gêne pas pour pointer certains défauts de son amie mais il
ne se ménage pas non plus. En outre, l’amitié réside dans l’acceptation de l’autre
avec ses côtés moins glorieux et les deux figures ont des caractères bien
trempés. Les gestes du narrateur envers son amie témoignent également de sa
grande affection : il tient à son rôle de protecteur ; il se sent
responsable d’un être fragile physiquement.
> L’écriture a un côté factuel et presque
trop pudique, qui a tendance à laisser le lecteur à distance à quelques
exceptions près. Pourtant les protagonistes évoquent des sujets intimes mais la
voix de Liam semble vouloir les dépassionner et Úna passe, par opposition, pour une personne capricieuse. La malade
paraît plus vivante que l’homme en bonne santé. On peut imaginer qu’il s’agit
simplement de rendre compte des caractères différents des deux amis.
> Liam
entremêle les discussions et ses propres pensées avec la narration des visites
mais aussi des détails triviaux révélateurs, pour certains, de la maladie d’Úna. D’une certaine façon, tout
cela est intéressant mais rassemblés en un seul roman cela donne un sentiment
de dispersion. Or la narration manque de rythme
et l’ennui n’est jamais bien loin.
En ce
sens, être attaché à au moins un des deux écrivains représentés me semble
important pour s’accrocher jusqu’au bout.
> En
revanche, ce roman offre un point de vue et des informations complémentaires
(ou pas si on ne sait rien d’elle en premier lieu) sur ce qui animait Nuala O’Faolain,
sur les raisons de ses choix de vie. Cela vient compléter l’image que l’on s’en
fait grâce à ses livres : celle d’une femme déterminée, indépendante et
passionnée mais aussi d’une femme blessée qui ne pouvait passer l’éponge. Et il
est en effet beaucoup question dans ce livre de l’héritage familial des deux auteurs et de la répercussion que
celui-ci eut sur leurs vies. Quand l’un a décidé de compter sur son frère pour
entretenir la mémoire, l’autre ne veut pas lâcher l’affaire et brûle encore de
rage en vouant aux flammes de l’enfer ses parents.
En
résumé, ce livre est intéressant mais trop fouillis ; on se perd dans des
détails dont l’intérêt reste à démontrer et si les changements de sujets ne
sont pas gênants en soi, la narration atone nous fait souvent flirter avec l’enlisement.
A lire
si vous aimez au moins un des deux écrivains ou souhaitez les découvrir ;
dans le cas contraire, c’est une lecture optionnelle.
« Mais
qui suis-je pour décrire son existence ? […] Tout ce que je peux
dire, c’est : Lisez ses livres ; voilà la femme qu’elle était. C’est
son histoire, contée avec ses propres mots, vous ne trouverez pas mieux. »