Red Sky in Morning – Paul Lynch
Quercus, 2013, 232 pages
(VF : Un ciel rouge, le matin)
‘Night sky was black and then there was
blood, morning crack of light on the edge of the earth.’
Dans l’Irlande rurale du XIXème, Coll Coyle et sa famille sont
priés de vider les lieux. Coyle vit sur ces terres depuis toujours ; son
père travaillait déjà pour le père du propriétaire actuel et il ne comprend ni
n’accepte cette décision. Souhaitant plaider sa cause et connaître la raison de
sa déchéance, il va trouver le maître des lieux. Malheureusement, les choses ne
se passent pas comme prévu et Coll est obligé de fuir, tout d’abord en Irlande,
puis aux Etats-Unis.
Découpé en trois parties, ce roman est marqué par l’âpreté, la violence, le
ressentiment, la peur, la jalousie mais aussi la fraternité entre ces
malheureux qui voyagèrent ensemble dans des bateaux de fortune entre l’Europe
et les Etats-Unis.
C’est un livre qui parle de survie au point d’en occulter ce qui est présenté
au départ comme un point central, à savoir la vengeance. En effet, si Coll doit
fuir, c’est parce qu’il est pourchassé par un homme reconnu pour être
redoutable et d’une ténacité que rien n’arrête. Or si cet aspect est bien
présent dans la première partie du livre, elle est absente de la seconde et
n’est guère convaincante dans la troisième, une partie inégale et brouillonne
où l’auteur semble s’être un peu perdu.
Ce qui marque dans ce livre c’est la
beauté de l’écriture. Les descriptions sont somptueuses ; la nature,
même inhospitalière, ne peut porter avec elle la hargne qui habite le cœur des
hommes. Ces derniers sont comme des fourmis dans un monde qui continue de
tourner sans se préoccuper d’eux : le soleil se lève, se couche ; il
pleut, la nature est toujours présente qu’elle soit une alliée ou une
adversaire involontaire, et tout est magnifiquement rendu.
Avec une telle plume sensible qui évoque aussi bien les sentiments des
hommes que ceux de la femme de Coyle dans de brefs passages, on aurait pu
espérer des personnages plus
fouillés, moins stéréotypés. Quand on y pense, l’auteur reste à la surface de
ces gens aux personnalités et motivations pourtant diverses. Lynch a écrit un
livre simple et direct sur une traque, c’est-à-dire où l’action prédomine ;
or cela ne l’empêchait pas de créer des personnages plus étoffés qui seraient
restés dans les esprits une fois le livre refermé et cela d’autant plus qu’il a
consacré du temps, dans la première partie, au personnage de Faller (le
pourchasseur).
Enfin, le plus grand regret est finalement l’histoire qui manque de maîtrise. Si la première partie sait nous
tenir en haleine avec sa chasse à l’homme, la seconde décrivant la traversée
est soporifique et la troisième se déroulant aux Etats-Unis tourne en eau-de-boudin.
L’auteur semble avoir été dépassé par ses ambitions et il ouvre des pistes sans
explication, en laisse d’autres pourrir sur place, ne va pas au bout de la
narration ; la scène finale est représentative de la confusion qui s’est
alors installée.
L’arrière-plan historique est banal mais suffisant pour créer un récit
attractif pour toute personne s’intéressant à cette époque et à ce contexte.
L’auteur a voulu en profiter mais n’a pas su y amalgamer son histoire et a fini
par vouloir jouer sur les deux plans de façon très maladroite, plongeant le
lecteur dans une certaine perplexité.
On ressort de cette lecture avec un sentiment de gâchis. Espérons qu’avec
l’expérience Lynch trouvera ses marques et nous proposera un roman plus abouti
sans pour autant renoncer à cette écriture qui met des paillettes dans les
yeux.
‘The land is old and tremulous and turns
slowly away from the falling sun.’