Sans merci – Renate Dorrestein
(Zonder genade, 2001)
Belfond, 2003, 278
pages
Traduction de Bertrand
Abraham
C'est l'histoire d'un couple en
déroute depuis la mort tragique de leur fils. Tandis que la femme essaie de
faire semblant de vivre normalement, l'homme étouffe de vengeance. C’est ainsi
qu’ils s’éloignent de plus en plus l’un de l’autre et, alors qu’ils partent en
week-end à la campagne pour essayer de trouver un nouveau
souffle, l’escapade vire au cauchemar.
Renate Dorrestein est
malheureusement peu traduite en français ; cela rend ses livres d’autant
plus précieux et celui-ci est, à mon sens, son meilleur parmi ceux qui ont été
traduits. L’auteur aborde toujours des sujets
dérangeants, sombres, et elle le fait de façon détachée, mettant ainsi le
lecteur mal à l’aise. Son véritable point fort est justement cette froideur,
cette façon d’observer ses personnages comme si elle tentaient des expériences
avec eux afin de noter leurs réactions.
Ce roman, comme les autres, est
donc très axé sur la psychologie des
personnages principaux. Dorrestein dresse un portrait de chaque parent
progressivement, comme on tisse une toile dont le motif n’apparaît qu’au fur et
à mesure de l’avancement. En parallèle, l’ambiance est extrêmement
tendue : on sent sourdre quelque
chose de noir sans pour autant savoir quoi précisément, comme un orage qui
s’annonce sans jamais éclater. Le lecteur est totalement happé par cette atmosphère étouffante.
L’auteur défend ici l’idée que la vie est sans merci et son écriture est à cette image : précise et
froide, cinglante parfois, mais aussi très subtile, tout comme rien n’est
jamais blanc ou noir dans la réalité. L'auteur ne se laisse pas aller à
l'apitoiement et elle ne permet pas vraiment au lecteur de regarder ce couple comme
des victimes. Phinus (le père), Franka (la mère) et tous les personnages de ce
livre sont des êtres ordinaires, ni meilleurs, ni pires que les autres et
Dorrestein neutralise toute envie que pourrait avoir le lecteur de juger qui
que ce soit. C'est justement ce qui est
troublant dans ce roman : le lecteur y retrouve ses propres faiblesses, ses
pulsions, etc. On se sent mis à nu.
Sans merci est un livre qui laisse des traces. On ne peut guère y
être indifférent et il ne devrait pas plaire à tout le monde.