84, Charing
Cross Road + The Duchess of Bloomsbury Street – Helene Hanff
Virago Press, 2002, 230 pages
(premières
publications : 1971 et 1974)
(les deux titres
existent en VF et en poche)
“ Gentlemen:
Your ad in the Saturday Review of Literature says that you specialize in out-of-print
books.”
Helene Hanff est une américaine
qui aime passionnément lire pour s’instruire. Le problème, c’est que l’on ne
peut pas écrire dans les livres de bibliothèque (ce qu’elle fait quand même) et
elle est désargentée.
C’est ainsi qu’un jour elle
repère une publicité placée par une librairie londonienne spécialisée dans les
livres rares et d’occasion, Marks & Co. Sa première lettre est comme une bouteille
à la mer qui va finalement se traduire par une correspondance de dix ans (de
1949 à 1959)
Sa prédilection pour les livres
d’occasion n’est pas seulement liée à l’état de ses finances mais aussi à son
goût pour les livres qui ont vécu, qui ont une histoire :
“ I do
love secondhand books that open to the page some previous owner read oftenest.
The day Hazlitt came he opened to ‘I hate to read new books,’ and I hollered
‘Comrade!’ to whoever owned it before me.”
Marks & Co. devient son fournisseur
officiel et les échanges entre Helene Hanff et leur acheteur principal Frank
Doel seront aussi l’occasion de nouer des liens d’amitié avec tous les
libraires qui se régalent de ses courriers et lui écrivent quasiment en
cachette de Frank. Derrière sa brusquerie, elle a un cœur en or mais il est
vrai que son franc-parler jure avec la réserve de Frank, ce qui rend ces échanges encore plus savoureux :
“ he has
a first edition of Newman’s University for six bucks, do i want it, he asks
innocently.
Dear Frank:
Yes, I want it.”
“ WHAT
KIND OF A PEPYS’ DIARY DO YOU CALL THIS?
this is not pepys’ diary, this is some busybody editor’s miserable
collection of EXCERPTS from pepys’ diary may he rot.”
Cette correspondance authentique est aussi
bien un hymne aux livres qu’à l’amitié ; elle témoigne de la
personnalité d’une femme qui devait être attachante, pour peu que l’on ne soit
pas trop susceptible, et qui sut tester la résistance du célèbre flegme
britannique.
Quand je pense à Helene Hanff et
à Frank Doel, ma foi en l’humanité se porte mieux.
“ Nevertheless,
we will try to write when we can if you would like this, and look forward to
hearing from you.
Yours truly,
Sheila”
84, Charing Cross Road a été monté au théâtre (j’ai eu la joie d’en
voir une version très réussie) et a été adapté à l’écran avec Anthony Hopkins
et Anne Bancroft.
oOo
La fabuleuse édition qui m’a été
offerte cache bien son jeu puisqu’on y trouve également la suite des aventures
de Helene Hanff sans que cela ne soit signalé nulle part.
“ Theoretically, it was one of the happiest
days of my life.”
En 1971, Helene Hanff parvient
enfin à trouver l’opportunité (et l’argent) pour venir à Londres, un rêve
qu’elle caresse depuis des décennies. Elle y est attendue par quantité de
personnes : des relations nouées via Marks & Co., son éditeur (84, Charing Cross Road est alors devenu
un livre), des fans lui ayant écrit après avoir lu sa correspondance et tout un
tas de gens souhaitant la rencontrer et se proposant de lui rendre son séjour
londonien agréable.
Avoir de bonnes bases en
littérature anglaise classique (HH souhaite visiter les lieux fréquentés par
ses idoles et il ne s’agit ni de Dickens, ni de Shakespeare) permet de mieux
apprécier ce récit. De même, la lecture
des deux livres d’affilée donne un supplément de cohésion à l’ensemble.
On retrouve ici la chaleur
humaine des échanges épistolaires. Chacun se dispute l’honneur de passer du
temps avec Helene Hanff et l’organisation de son agenda devient vite un casse-tête. HH est
touchée par tant d’attentions dont elle ne comprend pas les raisons, ce qui
montre combien sa simplicité naturelle l’aveugle quant à sa personne. Elle a
une piètre opinion d’elle-même, notamment en matière de mode, et tout le monde
la trouve adorable et chic ce qu’elle ne comprend pas (surtout en ce qui
concerne les remarques quant à ses tenues). Voilà ce qu’écrit un journal à son
sujet et sa réaction :
“ Excerpt:
She steps into London , frightfully trim
in a chic navy trouser-suit from Saks and a foulard tied French-style.
Kill yourself tying an
ascot and it comes out French-style.
Story of my life.”
En définitive, plus que la visite
de lieux qui la font rêver, ce qui est marquant dans ce récit seront ces
rencontres dont beaucoup se transformeront en amitiés.
Helene Hanff évoque également
Arthur Quiller-Couch qui contribua à son éducation et dont elle parle plus
spécifiquement dans Q’s Legacy (ouvrage non
traduit, ce qui frise le crime).
“ 84, Charing Cross Road was no best seller… it didn’t make me rich
or famous. It just got me hundreds of letters and phone calls from people I
never knew existed; it got me wonderful reviews; it restored a self-confidence
and self-esteem I’d lost somewhere along the way, God knows how many years ago.
It brought me to England .
It changed my life.”