Le dernier vol de Lancaster – Sylvain Estibal
Actes Sud, 2003, 270
pages
(existe en Babel)
En avril 1933, l’aviateur Bill
Lancaster s’écrase dans le désert algérien alors qu’il tente d’établir un record
entre Lympne (sud-est de l’Angleterre) et Le Cap. Lancaster s’en sort vivant et
tente de signaler sa présence afin que des secours soient envoyés. Ce roman est basé sur des faits réels.
Si vous n’aimez pas les fictions
tirées d’histoires vraies, donnez quand même une chance à ce roman. Je fais
partie de ces gens-là et j’ai été néanmoins totalement séduite. Il est vrai que
je n’ai pris conscience de ce fait qu’au cours de ma lecture mais, étonnamment,
cela m’a encore plus bouleversée. Evidemment, si vous connaissez déjà fort bien
l’histoire de Bill Lancaster, il vaut mieux faire l’impasse.
Des documents véritables sont
reproduits dans le livre. Leur multiplicité est plus riche qu'une simple
diversité de points de vue. En effet, ils participent à créer une histoire qui dépasse et la réalité et la fiction ; c'est une expérience difficile à nommer. Parmi eux figurent le journal de Lancaster retrouvé
en 1962, celui de son amie Chubbie Miller également aviatrice, des coupures de
presse, des rapports officiels, etc. L’ensemble crée une histoire
troublante et efficace. Les photos sont certainement ce qui marque le
plus : elles témoignent de la réalité de ces personnes et, par ricochet,
des événements.
L’auteur nous fait vivre cette course contre la montre de façon ardente. La tension est
insupportable et peut-être l’est-elle d’autant plus que l’on se doute de la
fin. On est pris par le vécu de Lancaster, par sa bataille pour la
survie : tenir encore, tenir jusqu’à ce que les secours arrivent, espérer.
A suivre les différents fils, on vibre, on a le cœur qui palpite, on a le
sentiment que tout va s’arranger tout en se sachant témoin impuissant d’un
destin déjà inscrit dans l’histoire de l’aviation. Naviguant entre les
documents insérés au cœur du livre et le déroulé du roman, le lecteur devient
fébrile : on ne peut plus douter que le gros de l’histoire a réellement eu
lieu et on aimerait pourtant qu’il ne s’agisse que d’une fiction.
Il est difficile de ne pas penser
au destin de Saint-Exupéry, le vrai, pas celui de son narrateur qui en panne dans
le désert rencontra un Petit Prince. Ici le rêve / le fantasme / le mirage n’a guère
de place.
Ce roman méconnu mérite
l’attention. En revanche, je ne suis pas certaine que le film qui en a été tiré
vaille la peine d’être vu étant donné tous les changements apportés.