Amerigo – Stefan Zweig

Amerigo – Stefan Zweig
 (Amerigo, Die Geschichte eines historischen Irrtums, 1942)
Le Livre de poche, 1996, 123 pages
Traduction de Dominique Autrand


Récit d’une erreur historique

A tous ceux qui assimile les essais à des textes barbants, je ne peux que recommander ce court livre. En effet, non seulement c’est passionnant (et nul besoin d'être amateur d’Histoire), mais en prime le lecteur bénéficie de tout le talent littéraire de Zweig. Cet écrivain a un don, celui de raconter de façon simple, merveilleusement bien écrite et surtout vivante un fait historique à la fois pointu et connu de tous. Il est également un humaniste qui, au-delà de cet imbroglio, tourne son regard vers deux hommes.

Ainsi, Zweig mène une sorte d’enquête pour essayer de déterminer comment l’Amérique fut baptisée selon le prénom de Vespucci qui ne découvrit pourtant pas ce continent et ne revendiqua rien, au détriment de Christophe Colomb.

Dans un premier temps, Zweig rappelle la situation historique en balayant les siècles qui précédèrent les grandes découvertes pour terminer sur la dernière décennie du XVème. Il nous prévient d’emblée : il faut se mettre dans la peau des gens de l’époque afin de comprendre l’impact de ces découvertes, l’enthousiasme qu’elles suscitent. Et il a raison : j’étais complètement emballée une fois ce tour d’horizon achevé.
Puis il en vient au corps du sujet et c’est toujours aussi prenant. On comprend, au-delà du méli-mélo invraisemblable qui conduisit à nommer l’Amérique selon Vespucci, ce qui fait que Vespucci prit le pas sur Colomb sans avoir commis d’exploit particulier. 

« … toute découverte, toute invention ne tient pas tant sa valeur de celui qui la réalise que de celui qui en comprend toute la signification, toute la force opérante. »


La suite est tout aussi intéressante : 
> D'une part, Zweig retrace l'enchaînement des événements jusqu'à ce que le nom d'Amérique soit en quelque sorte officiel.
> D'autre part, il se tourne vers les deux hommes au cœur des débats : ils étaient amis et Zweig relève, à la lumière de ce fait, l’absurdité de la bataille qui s’engagea en leurs noms et qu’ils n’auraient certainement pas souhaitée.


C'est ainsi qu'au-delà de l'Histoire, cet essai nous parle avant tout des Hommes, une caractéristique de cet écrivain qui, par ce choix, revient à l'essentiel : la rigueur (historique et intellectuelle) et l'absence de jugements hâtifs quels qu'ils soient. En l'espèce, cela aurait évité et une erreur historique, et l'opposition artificielle entre deux hommes qui s'appréciaient.