(Midnight’s Children, 1981)
Livre de Poche, 1989, 670 pages
Traduction de Jean Guiloineau
Livre de Poche, 1989, 670 pages
Traduction de Jean Guiloineau
La 4ème parle de « saga baroque et
burlesque » mais aussi de « pamphlet politique »
et c’est, effectivement, un mélange des deux avec un glissement de la saga
extravagante vers une perspective nettement plus politique par la suite.
> Les Enfants
de minuit, c’est cette génération née le 15 août 1947, alors que l’Inde
accédait à l’indépendance. Mais avant d’en arriver là, Rushdie retrace toute
l’histoire de la famille du narrateur, Saleem Sinai – lui-même, enfant de
minuit. Cette partie peut paraître un peu longue, surtout si l’on ne connaît
pas très bien l’Histoire de l’Inde
post-indépendance. Rushdie y
critique la politique d’Indira Gandhi (l’instauration des lois d’urgence avait
remis en cause la démocratie) et fait de cette dernière un personnage proche de
l’ogre.
> Comme dans
tout roman indien qui se respecte
(Rushdie a la citoyenneté britannique mais il n’en reste pas moins Indien quand
il écrit), les personnages foisonnent, les relations familiales sont plus ou
moins inextricables et la narration zigzague allègrement d’une période à une
autre. Cependant, ce roman a un réel avantage : ses chapitres sont courts et
permettent des respirations régulières (il y a trente chapitres, comme trente
bocaux de chutney contenant les sentiments et souvenirs du narrateur).
> Ce roman
est, en définitive, grandiose. On
l’appréciera d’autant mieux que l’on aura compris le projet de Rushdie, à
savoir présenter l’évolution politique de l’Inde à travers la vie de son
narrateur. C’est justement pour cela qu’avoir une faible culture de l’Histoire
de l’Inde est handicapant (mais que les futurs lecteurs se rassurent : il
suffit de connaître les temps forts de cette Histoire pour suivre pleinement
l’évolution du roman). Rushdie s’amuse à nous faire croire que parce que son
héros a, tel jour, fait telle chose, cela a eu une répercussion sur l’Inde
entière. C’est généralement bien trouvé, d’autant plus que l’auteur sait rester
léger quand il le faut. En outre, ce parallèle entre la vie de Saleem et celle
de l’Inde est rondement mené. L’écrivain effectue des pirouettes et ne se perd
à aucun moment dans son projet : c’est jubilatoire !
Le principal
obstacle de ce livre réside dans ses digressions et, paradoxalement, ces mêmes
digressions sont parfois ce qui donne au roman une saveur si particulière. Si
entrer dans le récit peut s’avérer délicat, il est tout autant difficile d’en
sortir. Finalement, c’est une histoire très émouvante que nous raconte ici
Salman Rushdie et on ne peut qu’en conseiller la lecture.
« Un
jour, peut-être, le monde goûtera mes conserves d’histoire. Elles pourront être
trop fortes pour certains palais, leurs odeurs pourront être trop violentes,
des larmes pourront en venir aux yeux ; j’espère cependant qu’il sera
possible de dire qu’elles ont le goût authentique de la vérité … qu’elles sont,
en dépit de tout, des actes d’amour. »
Booker Prize 1981