Editions de l'Olivier, 2006, 312 pages
(existe en poche chez Points)
(existe en poche chez Points)
Il y a des livres qui réconfortent
sans pour autant être une compilation de bons sentiments et Mangez-moi est de ceux-là, de ces livres
que l’on offre à tous ceux à qui l’on veut du bien (et il soigne mieux que
n’importe quel médecin).
Myriam, dont le passé nous est
inconnu si ce n’est que l’on comprend qu’il a été fait de galères après un
incident majeur, décide d’ouvrir un restaurant sur un coup de tête. N’ayant pas
de logement, elle dort en cachette dans ce même lieu baptisé, on ne peut mieux : Chez moi.
Seule, elle se lance dans la
cuisine, ce qu’elle a toujours aimé et su faire, se réconfortant sans doute en
même temps qu’elle prépare les repas pour les autres.
Elle dorlote ceux qui poussent la
porte de son établissement et sa cuisine réparatrice bénéficie peu à peu du
bouche-à-oreille. Le restaurant a des fidèles et ce nom, Chez moi, est d’autant mieux choisi que chacun s’y sent
effectivement chez soi. C’est tout un univers chaleureux que déploie Agnès
Desarthe grâce à son personnage qui n’a rien d’une héroïne. N’oublions pas que
Myriam est avant tout une personne en détresse, et si ce restaurant lui apporte
de beaux moments rien n’indique que cela sera suffisant pour qu’elle se
reconstruise et qu’elle puisse se réconcilier avec son passé.
Myriam est un personnage très
attachant ; c’est un bouquet de contradictions, à la fois forte et
fragile, à la fois battante et paumée. On ne peut s'empêcher de l'admirer par moments même si très souvent elle se laisse porter par la vague et s'en sort grâce aux
autres. Mais, justement, c'est un des points essentiels du roman : cette
communauté qui se créé, presque malgré l'héroïne, presque sans le chercher,
juste parce que Chez moi est un
endroit où l'on se sent bien. Ce sont tous ses défauts qui font le charme de
Myriam, qui la rendent proche de nous.
L’auteur mêle intelligemment des
questions très concrètes avec des moments plus poétiques dans cette
tragi-comédie portée par des personnages que l’on voudrait rencontrer. C’est à
la fois profond et léger, amer et doux, habilement concocté, savoureux et
généreux. Ce livre reflète nos vies parfois rugueuses mais qu’une rencontre, un
événement minuscule peuvent adoucir. C’est un roman qui non seulement fait du
bien mais qui propose en prime implicitement des correspondances et un autre
niveau de lecture, comme lorsqu’on soulève une pierre pour y découvrir un petit
trésor ; le titre lui-même n’est pas innocent.
Desarthe et son roman ont de
nombreux points communs : la cuisine comme passion, une chaleur humaine
spontanée, de l’humour à revendre, etc. L’auteur jongle très bien entre
l'émotion, les accès de désespoir et l'humour, évitant ainsi l’ornière de
l’usine à bons sentiments. Le tout est délicieux sans être écœurant et nous
donne le sentiment d’appartenir un peu plus à la famille des Hommes.
C’est un livre qui touche en
plein cœur et que j’ai offert maintes fois comme gage d’amitié.