C’est une tour des Olympiades,
au cœur du Chinatown parisien. La famille Truong, qui a fui le Vietnam après la
chute de Saigon, s’y est installée à la fin des années 1970. Dans cette Babel
aux mille langues, voilà aussi Ileana, la pianiste roumaine désormais nounou ;
Virgile, le sans-papiers sénégalais, lecteur de Proust, qui squatte le parking
; ou encore Clément, le Sarthois obsédé du « grand remplacement » et convaincu
d’être la réincarnation du chien de son idole Michel Houellebecq.
Livre passionnant que ce roman,
qui m’a apporté bien plus que je n’étais venue chercher. Il y a d’une part les
personnages qui, chacun à sa façon, témoigne d’une facette de la France
d’aujourd’hui, à travers qui ils sont – voire qui ils voudraient être – et,
indirectement, par la façon dont ils sont perçus. D’autre part, l’autrice
enrichit l’histoire à proprement parler par quantité d’informations sur des
éléments « annexes », la plupart du temps en notes de bas de page ;
les faits historiques sont ceux qui m’ont le plus intéressée car ils donnent
des perspectives, et au roman, et à notre quotidien. Pour la curieuse
touche-à-tout que je suis, ces informations (très) diverses égrenées au fil du
roman étaient particulièrement réjouissantes. Par ailleurs, lire ce livre alors
que la France traverse une crise politique était particulièrement approprié.
Doan Bui est journaliste et les
histoires de ses personnages témoignent de ses investigations, d’un travail
sérieux et équilibré, entre les faits et l’aspect intime, entre une vie et un
contexte plus large. D’une façon générale, j’ai particulièrement apprécié la
mesure avec laquelle l’autrice narre ces parcours à la fois personnels et
archétypaux.
Il ne faudrait pas croire pour
autant que l’histoire est rébarbative ; au contraire, c’est plein
d’ironie, de mordant, de vie. Une vraie réussite en somme !