Snakehead – Patrick Radden Keefe

 

Snakehead – Patrick Radden Keefe

Snakehead – Patrick Radden Keefe
(The Snakehead: An Epic Tale of the Chinatown Underworld and the American Dream, 2009)
Belfond, 2025, 384 pages
Traduction de Chloé Royer

 

 Sous-titre : Une femme à la tête d’un empire du crime

Dans le même esprit que le recueil d’enquêtes paru l’an dernier (en France), Snakehead s’intéresse à l'immigration clandestine entre la Chine (et plus particulièrement la région du Fujian) et les Etats-Unis, à travers un personnage « mythique », Sister Ping.

Le récit est passionnant ! Il se lit comme un roman, facilement et avec un certain suspense. Cela tient à ce que le journaliste se concentre sur les protagonistes. S’il retrace l’histoire et le fonctionnement de ces organisations de passeurs, Radden Keefe personnalise beaucoup le propos en s’appuyant sur des figures particulières de ce trafic.

Mais l’auteur prend aussi du recul pour retracer l’histoire de l’immigration chinoise aux Etats-Unis, et des diverses politiques américaines au fil du temps, les raisons pour lesquelles les Chinois du Fujian ont été particulièrement nombreux à émigrer aux Etats-Unis, etc. Il creuse aussi l’aspect culturel de cette communauté, entre le Fujian et le Chinatown de New York en particulier, le fonctionnement de la « mafia chinoise », ses particularités.

Si l’épilogue est plus déceptif, l’auteur se perdant un peu dans une pseudo-analyse étriquée de l’immigration, le reste est vraiment prenant et instructif : une lecture à recommander !

Une fratrie – Brigitte Reimann

 

Une fratrie – Brigitte Reimann

Une fratrie – Brigitte Reimann
(Die Geschwister, 1963-2023)
Éditions Métailié, 2025, 192 pages
Traduction de Françoise Toraille

 

Nous sommes en 1961, en RDA. Elisabeth, la narratrice, est artiste peintre et travaille pour l’État dans les usines pour amener les ouvriers à s’emparer de l’art. Konrad, son grand frère, s’est échappé en RFA, une fuite qu’Elisabeth condamne. Uli, son « petit » frère, envisage, lui aussi, de partir : Elisabeth ne peut l’admettre : non seulement c’est son préféré, mais en plus elle est fermement convaincue par l’idéologie de son gouvernement. Elle essaie donc de convaincre Uli de renoncer à son projet.

M’intéressant depuis longtemps aux différentes expériences du communisme, je ne pouvais passer à côté de ce livre. Or le personnage d’Elisabeth – visiblement un double de l’autrice en peintre – m’est sortie par les yeux. Elle est persuadée d’avoir raison, qu’il faut rendre à l’État l’investissement qu’il a placé dans la formation des individus ; elle est austère et sa personnalité imprègne tout le livre : c’est assez déprimant par moment. Par ailleurs, j’ai été assez gênée par la relation qu’elle entretient avec Uli.

Si la lecture de ce roman a été une épreuve, c’était finalement une expérience utile. En effet, je crois que lire consiste à se confronter à des vies et des opinions différentes des nôtres et, même s’il est toujours plus agréable de croiser des personnages aimables et des idées que l’on agréé, des livres comme Une fratrie sont l’occasion de grandir, d’accepter que d’autres aient des opinions dérangeantes car diamétralement opposées aux nôtres.

Pour autant, ce livre me semble très « germano-allemand », parce que l’approche et les thèmes sont spécifiques et inscrits dans un contexte politique précis. En tant que Française, qui plus est d’une autre époque, j’ai vraiment eu du mal à saisir des subtilités que la postface éclaire.



Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe

 

Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe

Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe
(Rogues : True Stories of Grifters, Killers, Rebels and Crooks, 2022)
Belfond, 2024, 464 pages
Traduction de Claire-Marie Clévy


Ce livre rassemble douze enquêtes du journaliste auquel on doit Ne dis rien et L’empire de la douleur. Dans la préface, l’auteur raconte comment il en est venu à concevoir des « long formats », son attrait pour ce type de textes, assez longs pour ne pas se limiter à un traitement superficiel mais suffisamment courts pour être lus d’une traite.

Si le thème retenu ne m’intéressait pas en soi, j’aime beaucoup trop le travail de Radden Keefe pour faire l’impasse sur un de ses livres. C’est que la forme de non fiction qu’il pratique fait probablement partie de mes préférées et que le journaliste est un conteur de qualité. Son regard sur l’humanité est intéressant. Il souligne ici « les choix que nous effectuons … et les histoires que nous racontons aux autres et à nous-mêmes à propos de ces choix. » C’est un aspect qui m’a bien plus passionnée que le côté « bande de voyous en tous genres ».

D’ailleurs, rares ont été les histoires qui m’ont accrochées sur le fond. Autant Radden Keefe sait très bien raconter, autant les personnages dont il parle sont généralement méprisables et pleins aux as, à des années-lumière des gens que j’estime intéressants.

Pour autant, c’est toujours un plaisir de s’immerger dans l’écriture de Radden Keefe et je sais déjà que je lirai son prochain ouvrage, quel qu’en soit le sujet. A découvrir sans nul doute !