Une histoire naturelle de l’amour et de la mort – Margaret Renkl

 

Une histoire naturelle de l’amour et de la mort – Margaret Renkl

Une histoire naturelle de l’amour et de la mort – Margaret Renkl
(Late Migrations – A Natural History of Love and Loss, 2019)
Juillard, 2022, 304 pages
Traduction de Cécile Hermellin

 

Récit croisant histoire familiale et histoire d’un environnement naturel, ce livre porte particulièrement bien son titre. Margaret Renkl débute la plupart des chapitres avec un souvenir tiré de l’histoire familiale pour poursuivre par d’autres considérations ; elle remonte le temps, de la naissance de sa mère racontée par sa grand-mère à aujourd’hui. Le « fil humain » montre le passage des générations quand le « fil de la nature » semble à la fois plus fragile (la mort, d’un oiseau en particulier, arrive si vite) et plus immuable. Pour autant, le réchauffement climatique témoigne d’une altération de l’ordre général du monde entre disparitions d’espèces, décalage des flux migratoires, sécheresses, etc. qui touchent aussi les humains : nous sommes un tout.

 

Plusieurs aspects m’ont intéressée dans ce livre. Tout d’abord, son ancrage dans le monde actuel touche nécessairement plus que des récits du passé car les préoccupations de l’autrice sont aussi celles de la lectrice d’aujourd’hui que je suis. Ensuite, l’entrelacement des vies et morts humaines et d’autres animaux montre combien nous sommes tous (re)liés mais aussi que la mort et la vie sont indissociables. Renkl parle de la nature sans affectation et ça fait du bien !

 « Les fleurs qui éclosent dans le jardin s’appellent des fleurs ; les fleurs qui éclosent sur le terrain vague s’appellent des mauvaises herbes. »

 

Son regard sur la faune et la flore, à la fois plein de tendresse :

 « Je voudrais que les faucons restent dans les arbres. Je voudrais que mes voisins conduisent prudemment dans cette rue que les tamias traversent sans cesse, pour des raisons qui m’échappent. Je voudrais que la couleuvre qui vit dans les broussailles soit trop grosse pour passer dans les tunnels qu’ils ont creusés. Je voudrais que ma maison leur soit un abri. »

 … désemparé face à un oiseau K.O. dans son jardin ou encore en pensant que ses tentatives pour sauver ce qui peut l’être des effets du dérèglement climatique, mais aussi lucide quant à la vanité (et la dangerosité) de vouloir protéger des espèces de leurs prédateurs. Margaret Renkl est spontanément sympathique par sa franchise, son humilité, la simplicité et l’intelligence de son approche.

 « Le cycle de la vie est aussi un cycle de la mort : tout ce qui vit mourra et tout ce qui meurt sera mangé. […] Ainsi va la nature, j’en suis consciente. Et pourtant, j’ai eu le cœur brisé. »

 

Ses propos sur les siens sont tout autant profonds et surtout bienveillants : l’amour de ses parents qui lui assure un havre de paix, son enfant qui se sent trop petit face à l’univers, la capacité de la famille à faire front dans l’adversité, le soutien de son époux, etc. Mon seul bémol concerne le dernier tiers du livre où quasiment tous les chapitres évoquent soit la mort, soit la déchéance d’un des siens : c’est tellement plombant que j’ai sauté des pages entières. Si ces événements sont incontournables, leur accumulation entame sérieusement et j’ai regretté que l’autrice s’y attarde tellement (même si j’ai appris, a posteriori, que les écrits qui ont donné ce livre s’enracinent dans ce contexte).

 

« Il m’a fallu beaucoup d’audace pour me réclamer de l’écolittérature malgré ma grande ignorance de la nature sauvage ; mais le bon côté de l’ignorance est l’émerveillement, et je m’émerveille avec brio. »

 Margaret Renkl a eu raison de faire preuve d’audace et de partager avec des lecteurs ses réflexions qui prennent racine dans nos petites vies et les dépassent.