Terreur – Ferdinand Von Schirach
(Terror, 2015)
L’Arche, 2017, 116 pages
Traduction de Michel Deutsch
Un
pilote de l’armée allemande abat un avion de ligne détourné par un terroriste
et prêt à s’écraser sur le stade de foot de Munich. Il avait pourtant reçu l’ordre
de ne pas tirer. Vous assistez ici à son procès. Avait-il le droit de sacrifier
la vie des 164 passagers à bord de l’appareil pour sauver les 70 000 spectateurs
du stade ? Criminel ou héros ? A vous d’en décider.
Quelle
idée géniale de présenter le déroulement d’un procès d’assise sous la forme
théâtrale et de laisser les spectateurs / lecteurs décider du verdict suite à
leur propre analyse ! L’auteur va jusqu’au bout et inclut deux conclusions
argumentées différentes : en fonction du vote global obtenu lors de la
représentation, le président lit l’une ou l’autre.
Au-delà
de l’exercice de style, relativement facile pour un avocat, bien des éléments
extra-judiciaires sont mis en exergue, le plus marquant à mes yeux étant la
relativité du fondement de nos décisions, quelle que soit la rationalité dont
nous nous prétendons. Cette relativité témoigne de l’imperfection fondamentale
des humains puisqu’elle touche aussi bien la morale que la justice, ce qui
aboutit à laisser les individus démunis face à des situations qui relèvent de
"l’angle mort", que les textes ne couvrent pas une fois confrontés au
réel. En ce sens, les arguments de l’accusation ne m’ont pas semblé convaincants
car très théoriques et, comme le dit la défense : « … le monde
n’est pas un séminaire pour des étudiants en droit. »
Ce
texte présente donc au moins deux atouts : être attractif pour les esprits
joueurs et curieux et fournir une réflexion plutôt qualitative. Sans être le
meilleur de l’auteur, il renouvelle le genre de la fiction judiciaire et
implique plus le lecteur que ses autres livres.
La
pièce est suivie du discours prononcé par Von Schirach lors de la remise d’un
prix à Charlie Hebdo ; on y retrouve la capacité de l'auteur à donner
de la perspective à un débat, un talent rare.
