SCUM Manifesto – Valerie Solanas
(SCUM Manifesto, 1967)
Fayard, 120 pages, 2021
Traduction d’Emmanuèle de Lesseps
Il
y aurait tant à dire sur ce pamphlet qui détonne. Tout d’abord, peut-être
faut-il se renseigner un minimum sur Valerie Solanas. Ensuite, il me semble que la postface de
Lauren Bastide gagnerait à être lue comme une préface, toujours dans un souci
d’éclairage.
Ce
texte féministe radical est déconcertant, bouleversant et incroyablement
d’actualité. En effet, cette réédition s’insère parfaitement dans un contexte
où les femmes l’ouvrent de plus en plus pour dénoncer les violences systémiques
qui les touchent.
Ces
violences, Valerie Solanas les a connues et elle présente dans ce manifeste son
programme pour y mettre fin. Il est d’ailleurs fort simple et consiste à
éradiquer le mal à la racine en supprimant les hommes et le système patriarcal
et capitaliste qu’ils ont construit pour leur bien-être.
« Il
ne s’ensuit pas, sous prétexte que les hommes, comme la maladie, ont toujours
existé, qu’ils devraient continuer à exister. »
Si
la radicalité simplifie parfois trop la pensée, si le texte manque de
profondeur et souffre d’inégalités déstabilisantes, Valerie Solanas démonte la
mécanique en soulignant que le sujet touche aussi bien à l’économique, qu’au
politique et au social, ce que n’importe quelle femme expérimente au quotidien.
« Pourquoi
se reproduire ? Qu’est-ce que cela peut bien nous faire ce qui arrivera
quand nous serons morts ? Qu’est-ce que cela peut bien nous faire qu’il y
ait ou non une nouvelle génération pour nous succéder ? »
(Malheureusement,
Solanas ne creuse pas plus loin, alors même que la réponse est évidente et tout
à fait en lien avec sa démonstration)
L’autrice
propose une vision à contre-courant et qui m’a souvent semblé très juste, que ce
soit sur le sens que nous donnons à nos vies, sur les fondements des rapports
entre humains et la psychologie qui les sous-tend. Ce qui gênera probablement
certains, c’est cette façon d’exposer très libre, sans retenue, qui crie à
chaque page : « le roi est nu ».
« Vivre
en marge, c’est laisser le champ libre à ceux qui restent ; c’est
exactement ce que veulent les dirigeants. »
Aussi
rude que soit la forme, le fond tient la route. C’est probablement pour cela
que Solanas fut ridiculisée et rabaissée : elle avait touché juste et
c’est impardonnable.