Noire n’est pas mon métier - Collectif
Seuil, 2018, 128 pages
Stéréotypes,
racisme et diversité : 16 actrices témoignent
Ce recueil
de témoignages, à l’initiative d’Aïssa Maïga est aussi passionnant qu’écœurant.
Dans le sillage de #MeToo, la parole s’est libérée plus globalement et ce fut l’occasion
de faire émerger d’autres problématiques jusqu’à présent tues et/ou non
entendues.
Dans son
prologue, Aïssa Maïga pose le décor : les actrices noires ne sont
sollicitées que lorsque la présence d’un personnage noir (ou métisse) est
indispensable ; d’où cette remarque « Noire n’est pas mon métier ».
Spontanément, le recrutement se porte sur des actrices blanches, parce que c’est
la norme, comme si la majorité des rôles ne pouvaient pas être joués par toute
femme, dans l’absolu. Ce n’est, la plupart du temps, même pas du racisme (dans
le sens, rejet des personnes de couleur), juste un manque d’imagination, un
confort aussi qui pousse vers le connu, avec trop souvent cette fausse excuse :
« le public n’est pas prêt ». Mais de quel public parle-t-on ?
Cela en
arrive au point où la diversité de la société française ne se retrouve pas sur
les écrans où les Blancs sont surreprésentés.
Les
témoignages sont souvent émouvants ; les vécus peuvent différer sur des
détails mais, globalement, c’est violent, d’un irrespect total : trop
noire ou pas assez, avec trop ou pas assez d’accent « africain », des
attentes reposant sur des clichés, notamment quant au corps. Les rôles proposés
sont très limités et toujours dévalorisants : prostituées, femmes de ménage,
mères célibataires, etc. Jamais de rôles-clefs, de professions intellectuelles,
de contextes non misérabilistes. Presque toujours des situations issues de
clichés, comme si la France n’arrivait pas à se remettre de son passé
colonialiste.
Et chaque
femme de s’interroger : est-ce moi qui ne suis pas assez douée ?
Dois-je accepter d’entrer dans ce jeu ? Vaut-il mieux faire le dos rond et
espérer que les lignes bougent ou refuser et aller faire autre chose ?
Certaines voudraient que leur couleur de peau devienne banale ; d’autres
voudraient plus de rôles qui parlent vraiment des Noirs ; d’autres encore
choisissent de prendre les choses en main en passant de l’autre côté de la
caméra. Certaines relèvent la méconnaissance des jeunes actrices de leurs
aînées noires.
C’est un
excellent recueil que je recommande vivement.
Les autrices :
Nadege Beausson-Diagne - Mata Gabin - Maïmouna Gueye -
Eye Haïdara - Rachel Khan - Aïssa Maïga - Sara Martins - Marie-Philomène NGA -
Sabine Pakora - Firmine Richard - Sonia Rolland - Magaajyia Silberfeld -
Shirley Souagnon - Assa Sylla - Karidja Touré - France Zobda