Sommes-nous trop « bêtes » pour comprendre l’intelligence des animaux ? – Frans de Waal

Sommes-nous trop « bêtes » pour comprendre l’intelligence des animaux ? – F. de Waal
Babel, 2018, 410 pages
Traduction de Lise et Paul Chemla



Qu'est-ce qui distingue l'esprit d'un homme de celui d'un animal ? La capacité de concevoir des outils ? La conscience de soi ? L'emprise sur le passé et le futur ? Au fil des dernières décennies, ces thèses ont été érodées ou même carrément réfutées par une révolution dans l'étude de la cognition animale. Sur la base de travaux de recherche effectués avec de nombreuses espèces, Frans de Waal explore l'étendue et la profondeur de l'intelligence animale, longtemps sous-estimée. Le célèbre éthologue invite à réexaminer tout ce que l'on croyait savoir sur l'intelligence animale et humaine.


Au-delà des très nombreux comptes rendus d’expériences et d’un historique de l’évolution des sciences et des écoles, ce qui rend ce livre exceptionnel, c’est la personnalité de Frans de Waal. En effet, il mêle un discours fait de rigueur et d’empathie, une logique scientifique exemplaire et de la bienveillance. Surtout, Frans de Waal refuse l’aveuglement de l’ego humain qui fait que tant de scientifiques perdent toute objectivité car, ils sont nombreux ceux qui croient que toute découverte favorable à l’intelligence animale est une attaque à l’intelligence humaine (ce qui démontre que leurs soi-disant certitudes sont bien fragiles et faciles à bousculer).

De Waal consacre du temps à démonter des expériences biaisées car humano-centrées, ne prenant pas en compte la spécificité de l’espèce testée ou sautant trop vite aux conclusions. Il est dès lors évident que les comparaisons enfants humains et animaux autres sont favorables aux premiers mais aussi que des expériences mal conçues donnent des résultats concluant à la moindre valeur des non-humains (matériel ou dispositif non adapté, demande ne faisant pas sens pour l’espèce, etc.).
L'éthologue souligne également une évidence (qui mérite malgré tout d’être rappelée) : chaque espèce dispose des compétences qui lui sont utiles et les capacités humaines ne sont pas supérieures à celles d’autres espèces, juste différentes. Montaigne disait de même dans son bel Eloge de l’animal.
Le scientifique va au fond des choses et aborde quantité d’angles variés, y compris celui de la conscience, le dernier tabou.


Ce livre d’un abord aisé est passionnant, vivifiant, intelligent et ouvre l’esprit. Je le recommande vivement ; c’est un des meilleurs ouvrages sur les animaux que j’ai lus à ce jour.