Eléni, ou personne
– Rhéa Galanaki
(VO 2004)
Editions
Cambourakis, 2018, 205
pages
Traduction
de René Bouchet
Première femme peintre
de la Grèce moderne, Eléni Altamura-Boukoura (1821-1900) est peu connue en
dehors de son pays. A une époque où cette activité était réprouvée quand elle
était pratiquée par des femmes, elle a dessiné sans discontinuer dès son plus
jeune âge. Soutenue par son père, elle s’est formée en Italie, déguisée en
homme, sous le nom de Personne.
Rhéa Galanaki retrace
le destin de cette artiste, de cette femme, d’une époque et c’est passionnant.
Si j’ai trouvé l’écriture trop poétique à mon goût par moment, préférant une
narration « brute », j’ai été séduite par l’imagerie développée
autour de la mer. En effet, le père d’Eléni était marin et il fut un incroyable
soutien pour sa fille. Le fils aîné d’Eléni devint peintre lui aussi,
spécialisé dans les marines suite à sa formation au Danemark (où il visita
Elseneur – j’ai adoré la référence et me voilà à vouloir relire Hamlet).
Eléni a eu le parcours
typique d’une âme mue par une passion ; elle a suivi son chemin sans se
poser d’autres questions, sans se demander le prix qu’il faudrait payer en tant
que femme, en tant qu’artiste. L’art était un appel ; elle l’a suivi. Son
mariage désastreux, ses trois enfants (deux meurent avant leurs vingt ans, un
autre sera un inconnu, élevé par le père), la réprobation de sa famille, de la
société : Eléni aura tout connu, comme toute femme qui cherche à prendre
sa vie en main, à une époque où le seul destin féminin est le mariage et la
procréation.
Outre Eléni, le
contexte historique est lui aussi intéressant, y compris quand on ne connaît
rien à l’époque et encore moins la région géographique. Tous ces gens qui
parlaient souvent trois langues au minimum (grec, albanais, italien), qui voyageaient
en Europe, voire en Amérique pour le père marin, étaient imprégnés de la
culture européenne : c’était une époque cosmopolite où les Etats étaient
encore en devenir.
Foisonnant et
passionnant, ce roman dont j’ai croisé le chemin par hasard mérite amplement le
détour.
Ce livre a reçu le prix national de littérature de l’Académie
d’Athènes en 1999.