(My Name Is Lucy Barton, 2016)
Fayard, 2017, 208 pages
Traduction de Pierre Brévignon
Suite à une opération, Lucy Barton est hospitalisée pour
quelques semaines. Son mari est aux abonnés absents et ses deux filles lui
manquent. C’est alors que la mère de Lucy « apparaît » (c’est
vraiment le mot) à son chevet. Elles ne se sont pas vues depuis longtemps, ne
sont pas restées en contact. Toutes deux très pudiques, elles donneront plus de
signification à leurs silences qu’à leurs paroles.
La mère et le poids du
passé
Pour Lucy, sa mère représente ce qu’elle a fui : la
grande misère, la dureté, un univers à des années-lumière de sa vie de famille
à New York. Mais Lucy a gardé de son enfance une sorte de honte due à ses
origines et que la présence de sa mère lui renvoie. Pourtant, sa mère c’est
aussi la personne qui peut réellement la comprendre. Les deux femmes se
débattent dans leur incapacité à communiquer en mots tout en donnant le
sentiment d’être, au fond, plus proches l’une de l’autre que ne le voudrait
Lucy.
Le récit s’attache également à retracer le parcours d’écrivain
de Lucy, un métier qui la coupe encore plus de ses origines.
Une relation compliquée
Il est parfois difficile de suivre ces échanges qui
ressemblent souvent à deux monologues parallèles. Mais c’est aussi très subtil,
nuancé, Elizabeth Strout arrivant à transmettre les non-dits avec beaucoup de
talent. Les deux femmes sont incapables de livrer leurs sentiments ; la
mère ne peut dire à Lucy qu’elle l’aime mais, au fond, chacune sait à quoi s’en
tenir et c’est bien l’essentiel.
Comme toujours avec Strout, nous sommes confrontés à une
certaine distance : les personnages ne veulent pas se livrer franchement,
les émotions sont contenues, tout sentimentalisme est exclu.
Si ce roman ne rejoindra pas dans mon cœur l’incomparable Olive Kitteridge (prix Pulitzer), il
reste un texte qui a une certaine classe, celle qui vient de la pudeur et c’est
tellement rare que rien que pour cela, ça vaut le coup de le lire.
Le dernier livre de l’autrice, Anything is Possible paraît en paperback au printemps prochain ;
sa construction semble proche de celle d’Olive Kitteridge et on y retrouve
partiellement Lucy Barton. Parions que je ne saurai pas y résister.
Ce livre m’a été transmis par l’éditeur via NetGalley.