J’ai
découvert le style de Lydie Salvayre avec son essai 7 femmes. Cette
façon de parler de la littérature, de ces destins, avec à la fois compétence et
cœur, cette langue directe et impeccable m’a charmée.
Je
voulais relire l’autrice mais quel livre ? Par quel bout m’y
prendre ? Je tourne en rond pendant deux ans. Puis, à la fin du printemps,
je lis une de ses nouvelles et je suis à nouveau conquise : peu importe le
prochain livre, il me faut plonger.
La méthode Mila
(Points,
2006, 224 pages)
Le narrateur
est un homme qui se veut philosophe et, pour supporter la vie avec sa mère qui
s’est incrustée chez lui (à sa propre invitation ! Il s’en veut au-delà
des mots), notre homme décide d’appliquer les préceptes du Discours de la méthode. Mais le résultat est lamentable : « … le plus con des stratèges le sait :
on ne chasse pas une armée d’occupation en lui disant : Tire-toi. »
Fichu
pour fichu, notre homme de raison s’en va consulter Madame Mila, femme de cœur.
La 4ème
parle d’une « allégresse ravageuse »
et c’est exactement ce qui caractérise le ton de ce roman.
Sous
certains aspects, Lydie Salvayre me fait penser à José Saramago : même
usage gourmand et maîtrisé de la langue, même jubilation. Au-delà de la forme,
les thèmes évoqués ici sont immortels, en particulier celui de la grande
vieillesse d’un parent qui laisse démuni(e) et qui nous renvoie à notre propre
déchéance à venir. C’est poignant et drôle, plombant et plein de vie. La
question de l’autre aussi, l’autre qui n’est pas d’ici ou qui s’habille
différemment, qui a des habitudes dont nous ne sommes pas familiers. C’est fin
et « allègrement ravageur ».
Pas pleurer
(Points, 2015, 240 pages – Goncourt 2014)
Je n’avais pas envisagé de poursuivre par ce roman-ci,
n’étant pas du tout attirée par l’Espagne. Cependant, la maison de la presse de
mon lieu de vacances n’avait que celui-là et je me suis déjà estimée très
heureuse de pouvoir rester en compagnie d’une autrice qui me séduit véritablement.
Lydie Salvayre évoque la vie de sa mère et plus
particulièrement l’été 36, seul souvenir d’une très vieille dame.
Le livre entrelace la voix de Montse, la mère de
l’autrice, et celle de Bernanos avec quelques passages plus explicatifs sur la
chronologie, les forces en présence, etc. Que l’autrice ait réussi à rendre
cette période si vivace en si peu de pages est un miracle.
Ce que j’ai préféré, c’est la voix de Montse avec son
français arrangé, son cœur de jeune fille d’une époque révolue, son histoire par moment shakespearienne. C’est touchant,
prenant, fort. Lydie Salvayre rend un hommage superbe à sa mère mais aussi à
tous ces Espagnols ordinaires, victimes d’hommes affamés de pouvoir.
Comme dans mes autres lectures, je retiens un fond
solide, une dose d’émotion, de l’humour et une maîtrise de la langue absolument
remarquable.
Désormais, une seule question m’habite : par
lequel poursuivre ? Je suis preneuse de toutes les suggestions.