Puissions-nous être pardonnés – A.M.
Homes
(May We Be Forgiven, 2012)
Actes Sud-Babel, 2017, 685 pages
Traduction de
Yoann Gentric
Historien spécialiste de Nixon, Harold Silver a passé
sa vie à observer son arrogant et belliqueux cadet George, magnat de
l'industrie TV, se bâtir une vie cossue dans la banlieue de New York. Le jour
où celui-ci perd totalement le contrôle, la sauvagerie de son geste est telle
que tous deux se voient projetés dans des vies radicalement nouvelles. Du jour
au lendemain, Harry se retrouve en charge d'une nièce et d'un neveu et ce n’est
que le début.
2017 ressemble de plus en plus à une équation : autrice jamais lue = coup de cœur. Et je ne m’en plains pas.
Puissions-nous
être pardonnés est un livre mené
tambour battant (c’est même un peu épuisant par moment : aucun chapitre et
des aventures qui s’enchaînent sans jamais vraiment laisser le lecteur souffler
tout cela sur près de 700 pages).
Le roman réussit à être aussi bon sur un plan intellectuel qu’émotionnel. Il est également
d’une grande richesse sur le fond qu’il s’agisse d’égratigner l’Amérique ou de
révéler la profondeur des personnages.
Cette réussite
tient notamment à ces derniers, à commencer par Harold. Au début du roman,
c’est un homme à la fois banal et égocentrique, uniquement préoccupé par Nixon
sur lequel il tente d’écrire un livre depuis des années. Il va affronter les
événements avec un mélange de passivité et d’acceptation qui vont finalement
lui réussir jusqu’à un certain point. On devine que si l’autrice méprise le
personnage initial, elle lui souhaite de réussir dans sa transformation.
En effet, Amy Homes oscille toujours entre le sarcasme
et la comédie, la critique féroce et l’émotion, le drame et l’humour. C’est
plus la civilisation américaine que le peuple lui-même qui est l’objet d’une
satire impitoyable. Les moments d’émotion sont toujours liés aux personnages, à
la communauté qu’ils forment, sorte de famille étendue recomposée. Tous sont
blessés et leur capacité de résilience est finalement ce qui les lie.
C’est
mordant, irrésistible ; la
plupart des situations sont hautement improbables (l’autrice s’emmêle d’ailleurs
les pinceaux deux-trois fois) mais la perspective donnée aux événements confère
une profondeur au propos et une stature géniale au roman.
Surtout, Amy Homes nous épargne une morale
bien-pensante, travers que l’on trouve trop souvent dans ce genre d’œuvre très
américaine dans le traitement. Elle n’en fait pas des tonnes dans la joie béate
ni surtout sur le thème de la rédemption. Elle nous offre des personnages
faillibles, pas toujours aimables, qui tâtonnent et progressent sans clairons
ni trompettes ; Amy Homes fait confiance au lecteur et, rien que pour
cela, on a envie de la relire.
Un texte formidable que je recommande aux lecteurs qui
voudront bien se laisser embarquer dans un univers un peu fou.